L R AS Publié le lundi 13 décembre 2021 - n° 386 - Catégories : évolution-stat

Le développement mondial des installations photovoltaïques est perturbé

Ainsi, au Chili, 1,5 GW de projets de taille moyenne risquent d’être annulés car les structures de prix annoncées ne sont plus d’actualité. Les développeurs ne peuvent pas présenter

l’avancement des travaux. Ceux-ci sont interrompus. Or 60 % des projets approuvés appartiennent à quatre ou cinq grands groupes qui ont beaucoup de ressources financières. Or ils sont en perte avec ces prix.

En 2021, les hausses de prix, les retards et les perturbations dans les expéditions, ainsi que les déficits de production dus à des cas de force majeure ont été monnaie courante. Ceci a entraîné des demandes de prolongation de la construction de la part des EPC, des partenaires, des AAE et des agences gouvernementales.

Selon BloombergNEF, les prix au comptant du silicium sont passés d'un niveau historiquement bas de 6,3 dollars par kilogramme en 2020 à 37 dollars par kilogramme à la fin de l'année 2021 (près de six fois plus). Les fabricants de silicium ont verrouillé le marché avec des contrats à long terme. Les acheteurs avaient peu de contreparties et ont été obligés d’accepter des prix de plus en plus élevés. Des achats ont été réalisés sous l’emprise de la panique.

Le prix du silicium devrait rester élevé au moins jusqu'à la fin de 2022. À partir du troisième trimestre de 2022, les prix pourraient commencer à baisser. Le consensus est qu’en 2023, ils reculeront. Il faut aussi que les nouvelles installations de production soient réalisées en dehors du Xinjiang.

Hors de Chine, il y a une capacité de production de silicium mais avec des coûts plus élevés. Les droits de douane chinois sont conséquents. La Chine importe encore 20 % de son silicium, de Wacker (Allemagne), d'OCI (Malaisie) et parfois des États-Unis. Les usines hors de Chine ont du mal à redémarrer car leurs coûts sont élevés. On ne sait pas si les prix actuels persisteront

Le Xinjiang fournit une grande partie de l'approvisionnement en silicium métallique (matériau pour produire du silicium photovoltaïque). Or le prix est redescendu entre septembre et maintenant.

Le coût des intrants (produit de base d’un panneau)

L'argent, le cuivre, l'aluminium, le verre sont les principaux intrants d’un panneau, auquel s’ajoute l'acier du suiveur. Le prix de tous ces éléments a augmenté. Désormais, la fabrication représente 30 % du coût d’un panneau alors que les intrants (produits de base) représentent 70 % du total des coûts. Or, ceux-ci sont hors de contrôle des assembleurs. Ceci explique que les coûts de fabrication des panneaux soient passés de 0,20 $/Wc en 2020, à 0,26 $/Wc ou même 0,28 $ en 2021, soit une augmentation de 30 % à 40 %.

Le rationnement de l’énergie en Chine devrait persister car c’est le moyen employé par les pouvoirs publics pour éviter une montée en puissance de la production.

Les coûts de transport (les coûts d'expédition) par conteneur sont huit fois plus élevés entre Shanghai et les ports des États-Unis et d'Europe en 2021 qu'en 2020. Pour les expéditions de panneaux, le bureau d’études Rystad conclut que les prix d'expédition ont augmenté de 500 %, passant de 0,005 $/Wc en septembre 2019, à 0,03 $/Wc en octobre 2021.

Les goulets d'étranglement dans certains ports sont particulièrement graves, notamment aux États-Unis. Si les analystes s'attendent à ce que les coûts d'expédition baissent en 2022, il y aura un certain décalage avant que le réseau mondial complexe ne commence à se normaliser.

Projets retardés

Le bureau d’études Rystad affirmait en novembre que les projets de grandes centrales atteignant quelque 90 GW étaient menacés en raison de la hausse des coûts ou du manque de composants.

L’impact de la hausse des prix est différent selon les marchés. En Australie, en Inde et en Amérique latine, les augmentations de coûts touchent plus durement les marges des grandes centrales, car la main-d'œuvre d'installation représente une plus petite proportion du coût du projet, 20 %, plutôt qu’un tiers. Dès lors, il est préférable de retarder les projets plutôt que de les annuler purement et simplement. Il peut y avoir un partage de coûts entre les fournisseurs, les EPC et les promoteurs. Sinon, les développeurs du monde entier doivent supporter les hausses, renégocier les AAE, ou abandonner les projets.

Dans les pays développés, les perspectives paraissent moins sombres. Des augmentations du coût des panneaux, entre 12 et 15 %, ont été observées aux États-Unis, mais les retards logistiques et l'incertitude politique coûtent plus cher que les hausses de prix. Ainsi, les discussions sur les crédits d’impôt américains ont incité les développeurs à repousser les dates du début de chantier.

Malgré ces difficultés, le volume mondial installés devrait atteindre 180 GW en 2021 (+ 17 % sur 2020), puis 200 GW en 2022 selon IHS Markit. Les coûts moyens mondiaux des systèmes photovoltaïques ont augmenté de 4 % en 2021.

Le segment de la production décentralisée connaît une croissance étonnante, car ces installations sont moins sensibles aux prix des panneaux.

La demande d’installations décentralisées sur les marchés comme les États-Unis et l'Australie, reste robuste, mais la croissance en Chine s'avère remarquable, grâce à des mesures incitatives dans le segment résidentiel et à un impératif de réduction des émissions dans le segment industriel. IHS prévoit que la Chine installera près de 25 GW de projets de production décentralisée en 2021, soit une augmentation de 60 % par rapport à 2020 pour ce segment.

Même dans le segment des grandes centrales, la demande est si forte que cela pousse à la livraison. Il y a toujours quelqu’un pour prendre en charge la construction. Le PV est victime de son propre succès. Heureusement, la chaîne d'approvisionnement du PV a fait preuve de robustesse.

NDLR   S’il est certain que les développeurs photovoltaïques parviendront à surmonter ces hausses de prix dans le temps, la réponse est différente pour les six à douze mois à venir : ils sont pris entre les hausses de prix lors de la production des panneaux, avec les retards de livraison d’un côté, et les contrats à respecter de l’autre qui ne prévoyaient pas de clause de renchérissement des approvisionnements et donc du coût d’installation d’une centrale. Manifestement, la situation est différente dans les pays émergents et dans ceux développés où le coût de la main d’œuvre est cher, ce qui atténue (en proportion) le coût de construction

Selon nous, il va y avoir des résultats comptables bien peu satisfaisants chez certains développeurs sur l’exercice 2022 (à moins qu’ils étalent les pertes à venir sur 2021 et 2022). Déjà instruits par l’éventualité toujours possible d’une hausse de prix, les contrats signés par ces développeurs prévoiront désormais une clause de répercussion des hausses futures.

Un aspect qui n’est pas abordé par les commentateurs est l’effet de ces hausses de prix sur le prix du kilowattheure. Est-ce qu’après ces hausses, le kWh solaire restera-t-il toujours moins cher que le kWh obtenu par les centrales à gaz ? Il semble que cela soit trop tôt pour se faire une opinion, car rien ne dit que les hausses de prix des intrants soient terminées. Il y a encore les hausses de salaires à inclure dans le coût final. Cette situation de compétitivité non encore assurée du solaire est présente aux Etats-Unis où, hors les futures lois favorisant les EnR, la compétition entre kWh solaire et kWh à base de gaz reste indécise.

S'inscrire à la newsletter "Le Fil de l'Actu"

Articles les plus lus sur 10 jours glissants

Articles les plus lus sur 1 mois glissant