L R AS Published on Tuesday 3 September 2019 - n° 287 - Categories:Regard sur le PV

Regard sur l’aspect vital de la R & D qui annonce l’avenir dans l’industrie

Le rôle de la R & D : rechercher et améliorer les produits

Examiner les dépenses en montant et en pourcentage du chiffre d’affaires

La diminution des dépenses sur plusieurs années condamne une entreprise : le cas de First Solar

Une augmentation continue des dépenses fait émerger un produit et une entreprise : le cas de LONGi

La confirmation, le déclin annoncé de GCL du fait de l’insuffisance de ses dépenses de R & D

La R & D améliore une entreprise qui peut alors conquérir des marchés

La lutte sur les prix en 2019, pour faire plier les entreprises les plus fragiles

Le rôle de la R & D : rechercher et améliorer les produits

Les commentateurs s’attachent surtout aux résultats des sociétés et aux performances commerciales mais ils font peu de cas des raisons qui conduisent à ces succès ou à des échecs, que ce soit en amont avec la recherche et développement, ou que ce soit dans des investissements de production ou de productivité. Ces deux critères sont fondamentaux pour connaitre l’avenir des entreprises : La recherche et développement (R & D) permet de découvrir de nouveaux produits, de nouveaux procédés, de nouveaux tours de main qui améliorent la qualité de l’entreprise et qui augmentent sa productivité ou sa place sur le marché. Ceci se traduit par du chiffre d’affaires en plus ou une meilleure rentabilité.

Seulement, les dépenses de R & D ne sont pas toutes suivies de succès. Dans de nombreux cas ou même dans de très nombreux cas, on doit abandonner un axe de recherche car il ne donne rien, car il n’aboutit pas à une productivité supérieure ou à une innovation. Bien évidemment, les sociétés annonceront leurs succès, mais non les différents axes de recherche infructueux. Souvent, il suffit d’un projet qui aboutisse pour justifier l’existence de plusieurs pistes qui ont été abandonnées. Les études sont faites largement en amont (parfois plusieurs années) selon le caractère fondamental ou appliqué de l’étude menée.

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Examiner les dépenses en montant et en pourcentage du chiffre d’affaires

Il est donc fondamental d’examiner le niveau de dépenses de recherche et développement d’une entreprise à la fois en montant et en pourcentage de leur chiffre d’affaires. Il est évident qu’une entreprise ayant un faible chiffre d’affaires ne pourra pas consacrer de gros budgets (en montant) à la R & D, mais il peut réaliser un gros effort en pourcentage de son chiffre d’affaires. Dans ce cas, les mises au point, les perfectionnements, les innovations iront plus vite que chez un confrère ayant un taux inférieur de dépenses. Dès lors, une société appartenant à un secteur technologique qui réduit ses investissements en R & D se condamne vite car les mutations y sont rapides. L’évolution des dépenses en montant et en pourcentage annonce l’avenir de l’entreprise à horizon de trois à cinq ans.

Il y a quelques années, le taux de recherche et développement dans l’industrie photovoltaïque se situait entre 0,8 et 3 % du chiffre d’affaires. La compétition s’intensifie. Ce taux a grimpé en 2018 entre 1 % et 5,5 % des ventes, ce qui pour une grande entreprise comme LONGi constitue un budget considérable.

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La diminution des dépenses sur plusieurs années condamne une entreprise : le cas de First Solar

Le budget de R & D varie selon la richesse de l’entreprise : en cas de situation florissante, elle consacre davantage de son chiffre d’affaires à la recherche. Inversement, en cas de difficultés conjoncturelles, elle a tendance à rogner sur de telles dépenses car elles ne sont pas immédiatement productives. La réduction d’un budget sur une seule année a peu d’effet sur l’avenir. En revanche, une entreprise qui réduit son budget en volume et en pourcentage de son chiffre d’affaires depuis quatre années comme le fait First Solar par exemple, indique que cette entreprise va perdre des places sur le marché à horizon prévisible (deux à quatre ans). C’est d’ailleurs ce que société subit en ce moment, bien qu’elle profite des grosses dépenses de R & D effectuées dans le passé et qui ont mené à la mise au point de son panneau de série 6. Elle profite des efforts passés : dans sa profession, elle est encore la société qui a le plus investi en montant au cours des cinq dernières années, mais avec Yingli, c’est la seule entreprise qui réduit ses investissements chaque année depuis quatre ans à l’initiative du nouveau PDG. Bien vite, elle n’apportera pas de nouveautés à son produit et verra sa position technique et donc commerciale s’éroder. C’est d’autant plus vrai qu’elle est sur un créneau technologique (les couches minces CdTe) qui lutte avec les panneaux au silicium. Ceux-ci enregistrent régulièrement des perfectionnements qui augmentent leur taux de conversion. On peut donc affirmer que sans changement de stratégie de First Solar et sans modification de l’orientation baissière des dépenses, la société va vite subir un décrochage technologique et une perte de parts de marché.

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Une augmentation continue des dépenses fait émerger un produit et une entreprise : le cas de LONGi

Inversement, LONGi a poursuivi depuis sept ans une augmentation régulière de son budget de recherche et développement en montant et en pourcentage. Cette société a étudié les avantages du monocristallin, en a décelé les avantages, a examiné les différents procédés techniques pour l’obtenir, puis a investi dans une capacité de production de plus en plus importante. En 2018, LONGi annonçait occuper 40 % du marché des plaquettes monocristallines avec une hausse de 57 % sur 2017 ! Elle prévoyait une capacité de lingots et de plaquettes de 36 GW en 2019, 50 GW fin 2020 et 65 GW fin 2021 ; c’est à comparer avec la demande mondiale de 120 MW en 2019. LONGi a aussi une activité de cellules et de panneaux. Elle a livré l’an dernier 7,1 GW de cellules et de panneaux soit une hausse de 50 % sur 2017. Ses efforts de R & D et la qualité technique de ses produits ont conduit l’entreprise a réalisé en 2018 une marge nette supérieure à 12 % de son chiffre d’affaires. Ces moyens financiers lui permettent d’étendre sa capacité de production de panneaux de 10 GW fin 2018, de 16 GW fin 2019, de 25 GW fin 2020 et de 30 GW fin 2021. Ces objectifs pourraient même être relevés avec la demande, la qualité de ses produits ou l’augmentation de la productivité de ses plaquettes qui passeront de 156 mm à 166 mm fournissant un gain de pour ses clients.

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La confirmation, le déclin annoncé de GCL du fait de l’insuffisance de ses dépenses de R & D

La démonstration sera complète avec l’exemple de GCL. Le premier groupe mondial spécialiste du multicristallin a négligé la recherche et développement, ne dépensant qu’environ 1 % de son chiffre d’affaires au cours des années 2014 à 2016. Ce faible taux n’a pas permis d’analyser les produits nouveaux, d’améliorer la compétitivité, de rester le n° 1. Constatant l’émergence de LONGI spécialiste du monocristallin, la société a réagi en 2017 avec près de 3 % de son chiffre d’affaires consacré à la R & D. Ceci lui a permis de mettre au point le silicium quasi-monocristallin / le silicium noir qui est moins cher que le monosilicium et dispose d’un taux de conversion proche. Mais ce produit est arrivé trop tard par rapport à l’émergence du monocristallin. La société voit sa part de marché se réduire rapidement, sa gestion se délabrer. L’endettement pour construire de nouvelles usines de production de silicium l’étouffe progressivement. Dès 2018, la société doit limiter à 2 % son taux de R & D, laissant LONGi consacrer un taux plus de deux fois supérieur à améliorer ses procédés de production et développer son innovation. L’existence même de GCL est en jeu. La société n’a pas vu le virage vers le monocristallin et doit d’urgence adapter sa production… La société accumule les pertes. Elle est entre les mains des banquiers pour le remboursement de ses dettes.

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La R & D améliore une entreprise qui peut alors conquérir des marchés

L’importance de la R & D se reporte sur la compétitivité des entreprises. Une société qui a un bon produit, une bonne gestion, des perspectives séduisantes, va mener la guerre commerciale pour s’imposer et faire fléchir ses concurrents. On l’a vu avec la pression exercée par LONGi sur GCL à travers la guerre entre monosilicium et multicristallin. Elle prend aussi la forme d’une lutte de prix. Celui qui est le plus faible, le moins bon gestionnaire, qui dispose du moins bon produit, ne pourra pas lutter avec une baisse des prix, perdra de l’argent et disparaitra de la compétition.

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La lutte sur les prix en 2019, pour faire plier les entreprises les plus fragiles

Ainsi entre juin et août 2019, la guerre des prix s’est déplacée sur les cellules : les prix ont baissé de 20 % dont 10 % au cours des trois premières semaines d’août, comme pour écœurer les concurrents en difficulté. Au premier semestre, la guerre commerciale avait touché le silicium (GCL a constaté une baisse de 38 % de ses prix de vente) et les plaquettes (- 40 % selon GCL). Ceci au profit des plus forts ou des sociétés intégrées : ces dernières peuvent compenser dans leurs comptes, les pertes sur les cellules par des bénéfices sur d’autres branches du groupe. Ceci explique que les grands groupes lancent des programmes gigantesques de capacités de production pour étaler les coûts fixes sur une plus grande quantité de production et en même temps saturer le marché avec leurs produits, ne laissant plus de place pour les petits fabricants ayant des coûts de production plus élevés. Cette lutte commerciale est d’autant plus intense actuellement que de nombreuses entreprises ont subi un quasi arrêt du marché chinois entre début juin 2018 et juin 2019. Elles sont fragilisées. C’est le bon moment pour les attaquer. De plus, les petits fabricants espèrent qu’il y aura une reprise du marché chinois au quatrième trimestre. Celui-ci est tellement attendu que des stocks sont constitués pour répondre à la demande. Dès lors, il n’y aura probablement pas d’augmentation des prix en fin d’année soit par le report de projets sur le 1er trimestre 2020 de la demande, soit parce que les stocks répondront à la demande. Il n’y aura pas de reprise des prix comme certains l’espèrent. En difficulté en fin d’année, certains petits producteurs pourraient se retirer du marché…

Cette politique de conquête du marché dépend de la structure de l’entreprise, et donc de la qualité et du prix de ses produits lesquels proviennent de la recherche et développement. On en revient au fondamental de l’entreprise. Ce qui assure la qualité d’une entreprise.

Pour aller plus loin :

Les dépenses de R & D dans le photovoltaïque depuis cinq ans

GCL au 1er semestre : s'enfonce et se rapproche de la faillite

Les prix des cellules ont de nouveau chuté depuis début juin

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