L R AS Publié le lundi 19 février 2024 - n° 476 - Catégories : Regard sur le PV

Regard sur deux études de réindustrialisation du photovoltaïque (en France, en Australie)

PV Magazine a publié trois articles sur un état de l’industrie photovoltaïque française. Ils font le point sur les forces et les faiblesses de la situation actuelle. Ils n’oublient pas de présenter les atermoiements des autorités de Bruxelles.

Cette semaine, l’autorité australienne du photovoltaïque a présenté le résultat de son étude sur la relance de l’industrialisation du PV dans ce pays. L’approche est complètement différente.

Il est intéressant de comparer les deux approches et de percevoir la faiblesse ou l’insuffisance de la position française.

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Le résumé

Les giga-factoreries pourront s’appuyer sur la recherche française : la relance de l’industrie PV française semble pouvoir compter sur les instituts de recherche

Faut-il privilégier des produits européens deux fois plus chers ou favoriser des produits chinois qui détruisent l’industrie européenne ? Les groupes de pression sont actifs auprès de la Commission européenne. Celle-ci n’a pas réussi à trancher entre les deux positions, ce qui a conduit à une mesure (le NZIA) qui ne satisfait pas vraiment

L’analyse australienne : du bon sens : face cette difficulté européenne de trancher, l’analyse des autorités australiennes est claire. Pour obtenir une industrie PV en Australie, il faut accepter de la financer durablement

La faiblesse de l’analyse française : Il n’y a pas que la recherche pour lutter contre les produits chinois, il y a la constitution d’une entreprise prospère. Il faut avoir installé une organisation impeccable pour mettre en place une production de qualité. Il faut des moyens financiers pour installer puis pour poursuivre pendant plusieurs années l’installation de l’entreprise. Aucune information n’est fournie à ce sujet comme si cela n’était pas important
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Le texte :

PV Magazine consacre trois articles à l’industrie photovoltaïque et à sa relance (cf en fin d’article). Au même moment, l’Autorité australienne du photovoltaïque l’ARENA aborde le même sujet de façon totalement différente, mais avec le même objectif, étudier la reconstitution d’une industrie photovoltaïque.
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Les giga factoreries pourront s’appuyer sur la recherche française

L’étude française se focalise sur la compétence technique et sur les collaborations avec les instituts de recherche. Dans une certaine mesure, elle indique que la recherche photovoltaïque française est évoluée, et qu’elle peut améliorer ses découvertes pour les mettre au service d’entreprises industrielles.

L’étude mentionne aussi les difficultés et les insuffisances structurelles françaises telles que l’importance de la recherche chez LONGi, la variété d’aspects étudiés et l’ancienneté des investissements en recherche et développement, mais aussi les subventions et autres avantages financiers accordées par l’Etat chinois à ses entreprises, la chute du prix des panneaux vendus en Europe au moitié du prix de production en Europe et un quart en dessous du coût de production chinois.

Il en résulte que le directeur du département des technologies solaires au CEA-Liten laisse échapper un « la bataille est loin d’être perdue » indiquant par là un manque d’optimisme franc et massif sur les projets de grandes usines. Il explicite son doute, par la nécessité d’être « plus créatifs et de trouver de nouveaux éléments de différenciation ».

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Faut-il privilégier des produits européens deux fois plus chers ou favoriser des produits chinois qui détruisent l’industrie européenne ?

Plus grave est le long développement sur l’incompréhension des autorités politiques face à la dégradation de la situation économique et donc financière des fabricants. Ceux-ci subissent une pression de stocks de 800 millions d’euros, qu’ils ne parviennent pas à vendre. C’est que ces produits sont deux fois plus chers que les panneaux disponibles sur le marché. L’article souligne la difficulté à comprendre la situation, ou plutôt l’hésitation et l’incapacité à décider, entre favoriser les industriels européens quitte à ce que les prix de leurs panneaux soient plus chers mais de production locale, ou de retenir la proposition de SolarPower Europe qui préfère des panneaux peu chers mais chinois, quitte à détruire l’industrie européenne.

La vue d’ensemble de l’étude française est plutôt bonne car elle souligne les contradictions, les oppositions, les difficultés de choix des autorités. Celles-ci croient qu’avec le NZIA, elles ont résolu à long terme la renaissance européenne alors qu’elles n’ont fait qu’établir un écran de fumée devant l’avenir : les industriels pourront bien disposer de 30 % de produits réservés mais outre qu’il faut dépasser les 6 GW d’appels d’offres publics (les appels d’offres privés ne sont pas concernés et les appels d’offres inférieur à 6 GW ne sont pas concernés par cette garantie d’attribution), il n’y a que les industriels chinois qui seront gagnants. Comme il faudra attendre deux à trois ans que le NZIA ne révèle ses qualités ou ses défauts, il y aura dans le futur proche, nombre d’entreprises qui seront liquidées sans que les autorités ne perçoivent les causes de leur disparition.
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L’analyse australienne : du bon sens

Face au même problème, l’examen de la situation australienne est bien différent. Plutôt que de se féliciter des compétences techniques australiennes qui sont reconnues par nombre d’innovations pertinentes, ils examinent les difficultés à venir : ils soulignent qu’il ne suffit pas de créer des unités de fabrication, mais il faut aussi assurer l’équilibre d’exploitation de ces unités, alors que les chinois continueront à alimenter le marché à des prix bien faibles pour rendre intenables les subventions d’exploitation. L’ARENA souligne qu’il faudra renflouer les unités de production durant plusieurs dizaines d’années.

C’est là que le jugement et la pertinence des australiens sont remarquables. Dans les deux projets (Holosolis et Carbon), on n’a aucune indication du budget de construction de la giga-factorerie, des dépenses préalables au lancement (embauche, achat de machines, création d’un réseau commercial, financement de la recherche et développement même si ce sont des établissements publics qui fournissent les résultats de recherche, …), on n’a aucune indication du délai pour atteindre le point mort (l’équilibre des comptes), il n’y a aucune prévision du coût de revient de la production et comment cela se compare au prix obtenu par les chinois (12 ct le Wc). Est-ce pour ne pas effrayer qu’aucun chiffre n’est donné ? Est-ce parce que les dirigeants n’ont pas chiffré leurs projets du fait de trop d’inconnues (ce qui serait compréhensible) ? Ont-ils l’espoir qu’un droit de douane vienne protéger l’exploitation des deux gigafactoreries ? Enfin et surtout, est-ce que les dirigeants ont assez de financement pour tenir cinq ans, dix ans ?

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La faiblesse de l’analyse française

Il est curieux que les trois pays qui ont entamé la constitution (ou la reconstitution) d’une industrie, la Turquie, l’Inde, les Etats-Unis, aient eu recours à une protection douanière ! A des aides et des subventions ! Manifestement, les protections douanières ne suffisent pas si on veut que des unités de productions soient mises en service. Manifestement les développeurs ou les installateurs veulent des produits pas chers pour trouver des clients. Alors, pourquoi ne pas subventionner les fabricants européens après les avoir protégés par des droits de douane pour que leurs prix s’adaptent peu à peu à ceux des importations chinoises ? Il faut prévoir du temps pour que les petites entreprises actuelles grossissent et atteignent une taille critique. Il faut du temps pour installer de nouvelles équipes, de nouveaux réseaux commerciaux, pour mettre au point de nouvelles technologies. Cela coûte cher. Il faut aussi que les industriels chinois ne viennent pas perturber l’éclosion de ces entreprises européennes avec des prix de dumping et des abondances de produits

Les doutes ou la pusillanimité de l’actuelle Commission européenne ne permettent pas d’envisager une solution pratique, raisonnable et durable à la reconstitution de l’industrie photovoltaïque européenne. Il faut attendre la prochaine Commission d’ici dix mois, pour qu’un regard neuf soit porté à cette crise de l’industrie photovoltaïque. En espérant que l’aspect pratique et concret sera ses caractères principaux !!!

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Les articles de PVMagazine :

1° article, Les grandes factories peuvent-elles prospérer en Europe ?

2ème article : les technologies photovoltaïques développées en France

3°article, L’attitude des autorités publiques

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