L R AS Publié le dimanche 18 février 2024 - n° 476 - Catégories : divers filière., Europe

3°article, l’attitude des autorités publiques

La Commission européenne a fixé un cap, celui de disposer en 2030 de 40 % de la demande photovoltaïque produite dans l'Union européenne. Seulement, l'industrie est coincée entre la production chinoise à bas prix et l'aide américaine à la reconstitution industrielle issue de l'Inflation Reduction Act (IRA) instaurée en août 2022. Dans la seule première année

d'application, les Etats-Unis ont attiré 155 GW de projets annoncés de relocalisation, dont 85,1 GW dans les panneaux, 19,6 GW dans le silicium et les plaquettes et 43,2 GW dans la production de cellules.

Nombre d'industriels européens ont migré vers les Etats-Unis que ce soit Meyer Burger, Norsun, …qui évoquent un meilleur contexte économique et législatif qu'en Europe. « Il y a un décalage entre les besoins de l’industrie et la capacité de l’organe public », témoigne Lucas Weiss, le directeur général du fabricant français Voltec.

Au cours de ces dernières années, la Chine a procédé à d'importants investissements de capacité puisque celle-ci dépasse le térawatt pour une demande mondiale de 400 GW. Depuis 2011, 50 milliards de dollars ont été investis en Chine pour le photovoltaïque. Aujourd’hui, le pays représente 80 % de la production mondiale sur les cinq étapes de la filière : le silicium, le lingot, la plaquette, les cellules et les panneaux. Le directeur de la future gigafactorie Holosolis qui a travaillé cinq ans chez Trina Solar en Chine a indiqué à Energaïa que, là-bas, tout est subventionné par le gouvernement chinois que ce soit pour la construction d'une usine jusqu'aux approvisionnements.

La baisse des prix des panneaux chinois à 12 centimes le Wc en Europe, soit près de deux fois moins cher que ceux fabriqués en Europe (pour un prix de revient asiatique de 16 ct/Wc) et les mesures fiscales et économiques américaines rendent la situation des industriels européens intenable. L'association industrielle ESMC affirme que « sans mesures d’urgence, nous sommes sur le point de perdre plus de 50 % des capacités modernes de production de panneaux solaires photovoltaïques de l’UE au cours des deux prochains mois ».

Malgré, ou à cause de l'urgence signalée par les industriels, le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord (appelé le Net-Zero Industry Act, NZIA) qui vise à relocaliser 40 % de la production de technologies vertes clés, dont le photovoltaïque, sur le continent. Il s'agit d'un texte provisoire qui doit encore être approuvé par les Etats membres qui peuvent appliquer, à 30 % au moins du volume mis aux enchères par an, des critères autres que le prix dans les ventes aux enchères d’énergies renouvelables.

Les industriels européens pourront (NDLR ou plutôt pourraient) vendre en partie leur production sans pression sur les prix, mais les effets de cet accord ne se feront sentir que dans deux ou trois ans. Seulement, les industriels européens n'attendront pas aussi longtemps. Des mesures d'urgence sont nécessaires pour absorber environ 800 MW de stocks de panneaux photovoltaïques que les fabricants européens ne sont pas en mesure de vendre.

Mettre en place des mesures douanières ?

SolarPower Europe, ayant nombre de groupes chinois comme adhérents, ne veut pas entendre parler de droits de douane ou des mesures anti-dumping, affirmant que « l’ouverture d’enquêtes antidumping et/ou antisubventions et l’imposition de droits sur les importations de produits photovoltaïques solaires seraient préjudiciables à l’ensemble de la chaîne de valeur solaire européenne ». Il rappelle que des taxes d'importation sur les produits chinois instaurées en 2013 ont été supprimées cinq ans plus tard.

Cependant cette position est d'abord celle des développeurs et des installateurs qui veulent se procurer des panneaux les moins chers possibles.

Les fabricants soulignent qu'il y va de la survie des derniers fabricants de matériel photovoltaïque en Europe et que l'Europe doit protéger son industrie. « Il va falloir trouver un équilibre entre fermer les frontières pour protéger la production européenne et laisser les produits peu chers arriver pour continuer le déploiement du solaire dans le mix énergétique à l’échelle européenne et à l’échelle française », résume pour sa part Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER)

https://www.pv-magazine.fr/2024/02/15/serie-relocalisation-de-la-filiere-pv-les-politiques-publiques-sont-elles-a-la-hauteur/

PV Magazine du 15 février 2024

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