L R AS Publié le mardi 23 mai 2023 - n° 446 - Catégories : Regard sur le PV

Regard sur les deux projets d’usines photovoltaïques

A écouter les réactions aux propos du président de la République lors de la relance de l’industrialisation de la France, on se demande dans quel monde on vit, ou plutôt la teneur des projets PV présentés intrigue. Il semble que la parole soit supérieure à l’action, que les discours évitent d’organiser la vie quotidienne, que la présentation des projets soit plus importante que leur réalisation. On regarde les mots, mais non ceux qui les profèrent. On ne cherche pas à percevoir si la qualité professionnelle permet de remplir l’objectif, le projet, la mission. On ne veut pas juger de la pertinence, mais on se fie seulement de l’éloquence de l’orateur. Et on veut faire de l’économie ?

 Résumé

Personne n’ose critiquer : les paroles du président de la République sont sacrées et ses propos ne doivent pas être contestés

L’attente d’une relance européenne de l’industrie PV est forte : ceci annihile le sens du pratique, du concret, du sérieux

Ne pas réfléchir, ne pas douter, ne pas réfléchir : ceci devient le comportement français tant il y a l’obligation de reconnaitre la qualité du chef.

C’est tout le contraire de la démarche de Meyer Burger qui commence petit et qui cherche à régler ses problèmes afin de mieux grandir ensuite

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Le texte

Personne n’ose critiquer

Qui a osé critiquer les annonces du président de la République concernant les implantations d’usines de batteries ou les giga-usines de construction de panneaux photovoltaïques ? Qui a émis des doutes sur les projets des industriels ? Au contraire, chacun y est allé de son encouragement à la réindustrialisation de la France. Chacun a considéré que ces annonces étaient du vrai, du solide, du déjà réalisé, du déjà fait ! Personne ne doute que la France aura d'ici trois ou quatre ans deux immenses usines fournissant à la France, mais aussi à l'Europe, l'une se réservant de produire seulement des cellules et des panneaux, plus habituée aux cercles bruxellois, aux discours d'experts, aux aides de la Commission, plutôt qu’à la graisse des machines, aux calculettes pour faire baisser les prix des approvisionnements, ou encore à l'organisation des entreprises.

L'autre ambitieuse, volontaire et généraliste prévoit de produire les cellules, les panneaux mais aussi des plaquettes et du silicium pour avoir une chaine complète. Dans son affirmation de succès, Carbon se voit déjà compétiteur des chinois et plus précisément de LONGi le n° 1 mondial. Rien n'est assez beau à cette entreprise qui se voit déjà en haut de l'affiche. Ses dirigeants savent tout et ne craignent rien. Mais au fait que connaissent-ils de la production industrielle, de la technologie des cellules, de la coupe des lingots et des plaquettes, de la fonte du silicium ?

Cela fait de la peine de voir des hommes brillants, compétents et probablement sincères, jouer les bateleurs d'estrades, essayer de convaincre sur un projet délicat, complexe, novateur, de chercher des aides financières, des contreparties à une installation, des expertises professionnelles.

 

L’attente d’une relance européenne de l’industrie PV est forte

Seulement, l'Europe tout entière est à la recherche d'une relance industrielle dans le photovoltaïque et le premier venu qui affirme pouvoir relancer la production de panneaux est considéré comme un sauveur, comme le messie, comme l'envoyé de Dieu. C'est que l'attente est forte. C'est qu'on a perdu les facultés d'analyse qui président à une décision. C'est qu'on n'a plus le sens du concret, du possible, du faisable. Toute affirmation de l'un ou de l'autre n'est plus passée à travers la moulinette de la critique, de l'analyse, du doute.

Il suffit que le président de la République veuille réindustrialiser la France pour qu'on croit que cela est déjà fait, qu'il a pris les bonnes mesures, qu’il a élaboré une stratégie efficace. Il a lancé de nombreuses idées sans les mettre en place. Non seulement les paroles servent d'action, mais les auditeurs ne font qu'approuver sans en chercher les failles, les lacunes, les insuffisances. Le vide !

 

Ne pas réfléchir, ne pas douter, ne pas réfléchir

Il ne faut pas s'étonner que la classe politique ait bien compris cette lacune dans l'esprit français ; elle affirme sans douter et considère que ses paroles sont synonymes d'action, de décision, de sérieux. Si c'était le cas, il n'y aurait pas autant de lacunes dans le fonctionnement de la vie économique, sociale, et politique française. Peut-on dire que l'école marche bien en France ? Que dire de l'hôpital ? A-t-on assez de médecins ou d’aides-soignants ? Y a-t-il des meurtres suite aux règlements de comptes entre gangs ? Ne suffit-il pas de revenir par l'aéroport de Roissy pour constater ce qu'est la France, avec ses escalators en panne, ses panneaux directionnels imprécis, et l'absence d'espace pour se changer lorsqu'on arrive d'un climat froid ou chaud ?

On a créé une société où il ne faut plus réfléchir, critiquer, contester, puisque la police est là pour vous remettre dans le droit chemin !

Alors, dans le photovoltaïque comme dans tous les secteurs, on a un manque de réflexion, de jugement, de perspicacité. Il faut approuver tout ce qu'on vous dit, tout ce qui est dans l'air du temps, et ne rien mettre en doute, comme si les autorités politiques bien conscientes de leurs faiblesses et de leurs lacunes vous reprocheraient vos doutes, vos remarques incongrues, ou encore vos contestations. Mais c'est la conséquence de la faiblesse des ministres, des décideurs, des responsables.

 

C’est tout le contraire de la démarche de Meyer Burger qui commence petit et cherche à régler ses problèmes.

Comme pour justifier ce doute et les lacunes des deux projets de production de panneaux, examinons les différentes étapes de lancement de Meyer Burger dans la production de panneaux. Il partait d'une base technique incontestable dans l'hétérojonction puisqu'il produisait des équipements de production. Il s'est donc cantonné dans les deux parties qu'il savait faire : la production de cellules et de panneaux. Très vite, la société a compris qu'elle avait des difficultés pour s'approvisionner en plaquettes. Les chinois ne sont pas des âmes charitables, ils ne vont pas fournir des lingots et des plaquettes à un concurrent qui veut émerger. Après avoir bien longtemps affronté les fournisseurs peu désireux de fournir des produits à petits prix, Meyer Burger s'est adressé à une très petite entreprise norvégienne de silicium, et lui a proposé de s'approvisionner chez eux à condition que cette société augmente considérablement sa capacité de production. Ayant la certitude que l'approvisionnement en silicium sera assuré, Meyer Burger s'est adressé à une autre très petite société de tranchage de lingots et a obtenu un contrat d'approvisionnement.

Il est encore trop tôt pour affirmer qu'une chaine de production photovoltaïque existe, mais il y a le démarrage d'un environnement industriel favorable. Avec une caractéristique claire, la production de panneaux à hétérojonction ayant des taux de rendement supérieurs aux panneaux PERC et même TOPCon. Meyer Burger, avec sa compétence professionnelle, a contourné les difficultés d'approvisionnement que les chinois souhaitaient créer. Progressivement, il s'installe dans le paysage avec une production de 321 MW (mégawatts) en 2022 après deux ans de lancement et de tâtonnements !!! Meyer Burger mérite de réussir. Les deux projets français rencontreront bien des problèmes avant de réussir. Y parviendront-ils ? Nous le souhaitons mais nous en doutons.

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