L R AS Publié le mercredi 15 juin 2022 - n° 408 - Catégories : Regard sur le PV

Regard sur l’explosion de la demande et des prix des panneaux au second semestre 2022

L’information majeure de cette semaine est la décision du président américain Biden de lever les restrictions douanières sur les importations de panneaux venant du sud est-asiatique. Cette décision est conforme au groupe de pression des installateurs, mais elle éloigne la perspective de la reconstruction d’une industrie de production de panneaux sur le sol américain.

Le supplément d’achat des installateurs américains va se superposer à l’accroissement des demandes chinoises et européennes. Les prix vont être fortement orientés à la hausse au second semestre 2022 et en 2023. Aucune accalmie sur les prix n’est envisageable.

Résumé :

Les Etats Unis rouvrent leurs frontières aux panneaux des pays satellites de la Chine : le président Biden a levé les restrictions douanières sur les importations de panneaux venant du sud-est asiatique pour deux ans.

Ceci a de grosses conséquences pour l’approvisionnement mondial : les achats américains vont s’ajouter aux suppléments d’achats européens ou chinois.

Les multiples demandes de panneaux se heurtera aux limites physiques de production de la Chine : que ce soit le silicium ou les panneaux, la forte demande exercera une pression à la hausse du prix des panneaux

Les bas prix chinois n’incitent pas les européens ou les américains à se lancer dans la production de panneaux : ils restent dans une dépendance chinoise à 90 % de leurs besoins

.

Le texte :

Les Etats Unis rouvrent leurs frontières aux panneaux des pays satellites de la Chine

Les installateurs américains ont gagné. L’Amérique a perdu davantage qu’une bataille, la guerre !

En levant les restrictions douanières sur les importations de panneaux provenant du Cambodge, de Thaïlande, du Vietnam, le président américain a cédé au lobby des installateurs qui ont mis en avant une baisse significative des installations au premier trimestre. Pour cela, ils ont mélangé les difficultés d’approvisionnement ou de logistique (constatées par les différents groupes américains dont First Solar ou NEXTracker. Ces derniers sont obligés de rapatrier sur le sol américain leur production, car ils ont du mal à gérer les arrivages par bateaux), à la réduction des importations liée à l’enquête anti-contournement lancée le 28 mars dernier : les acheteurs craignent un rattrapage de droits de douane.

Pour sauver la face et faire croire qu’il y a une contrepartie, le président a mis en branle la loi sur la défense nationale. Cette loi, floue, favorise les achats du gouvernement central à hauteur de 1 GW par an et donc de 10 GW sur la décennie. Il n’y a rien de contraignant ; rien qui incite les installateurs à acheter américain et encore moins à augmenter les installations industrielles de production de panneaux sur le sol des Etats-Unis !

Ce qui est grave, c’est que l’approvisionnement viendra seulement de Chine et de ses satellites. Ce qui est inquiétant, c’est que les installateurs ont compris que le président céderait désormais sur toute action coordonnée d’un groupe de pression. Pour leur donner satisfaction, le président n’a pas compris que les efforts de Trump, puis de la loi, non encore votée, « Buy Back Better » qui stimulerait toute production de la filière sur le sol américain, étaient réduits à néant. La Chine reste le seul fournisseur mondial de panneaux. Il est plus simple pour les installateurs américains de s’approvisionner en Chine que de chercher des fabricants locaux. Or ceux-ci vont subir la concurrence exacerbée des chinois qui ont intérêt à « nettoyer » les différentes poches de résistance constituées par les rares concurrents américains.

 

Ceci a de grosses conséquences pour l’approvisionnement mondial :

La demande américaine va venir gonfler une demande mondiale en pleine expansion. A celle-ci s’ajoute celle en provenance de l’Europe qui veut s’affranchir du gaz russe et qui veut miser sur les centrales solaires pour compenser une diminution des achats d’hydrocarbures. L’Europe prévoit une demande intérieure de 49 GW en 2022, contre 26 GW en 2021 et 21 GW en 2020. Ainsi, l’Europe absorberait 23 GW supplémentaires en 2022 par rapport à 2021

De son côté, la Chine a prévu de doubler ses installations photovoltaïques en 2022, selon l’Administration chinoise de l’Energie. Elle passerait de 55 GW en 2021 à 108 GW en 2022, soit 53 GW supplémentaires. L’accent est mis sur les installations distribuées, mais les centrales de grande taille sont déjà parvenues à la parité réseau. Comme en Europe, il n’y a plus besoin de subventions pour soutenir leur expansion. Dès lors, ces grandes installations se multiplient et le gouvernement n’a plus de moyen de pression pour limiter leur mise en service.

Si la Chine, l’Europe et les Etats Unis sont les trois grandes zones d’extension du photovoltaïque, le reste du monde a aussi découvert que l’installation de panneaux solaires permet d’obtenir de l’électricité à bon marché. Il augmente lui aussi ses besoins

 

Les multiples demandes de panneaux se heurtera aux limites physiques de production de la Chine

Il résulte de ceci que les prévisions de demande pour 2022 s’établissent entre 200 et 280 GW (204 à 252 GW, selon BloombergNEF) par rapport aux 150 à 190 GW installés en 2021 (183 GW selon BNEF). Ainsi une progression de 70 GW (+ 38 %) est attendue en 2022 sur 2021 et sera absorbée quasiment à elle seule par la demande chinoise. Le supplément de demande entre 2021 et 2022 provenant de l’Europe, des Etats-Unis et du reste du monde ne pourra pas être satisfait sauf par une hausse considérable des prix des panneaux (ce qui est logique dans le monde économique occidental). Dans la logique chinoise, il s’agit d’une rémunération supplémentaire liée à la position dominante de la production chinoise. Ainsi, on n’a pas fini de parler de la pénurie de silicium bien que la production chinoise ait augmenté de 29 % en 2021 sur 2020, permettant une augmentation similaire de la production de panneaux. L’intensité de la demande en 2022 créera une augmentation des prix du silicium comme des panneaux tout au long du second semestre 2022 et pendant l’année 2023.

 

Les bas prix chinois n’incitent pas les européens ou les américains à se lancer dans la production de panneaux

Le monopole chinois de la fourniture de panneaux ne risque pas de s’interrompre puisque le Congrès américain n’a pas trouvé de majorité pour le projet de loi « buy better back » qui stimulait la production et permettait aux Etats Unis de redevenir à terme un gros producteur photovoltaïque. Quant à l’Europe, elle discute, tergiverse, temporise, en croyant que les chinois seront toujours là pour leur fournir des panneaux à petits prix, après avoir cru que la Russie leur fournirait toujours du gaz et du pétrole à un prix privilégié. Elle ne fait rien pour relancer une fabrication de plaquettes et de cellules dont la production annuelle est proche de zéro (0,5 GW de plaquettes et 2 GW de cellules) pour une demande évaluée à 49 GW en 2022.

Le monde a compris que l’électricité renouvelable (solaire et éolienne) était l’avenir, mais rien n’est fait en Europe et aux Etats-Unis concrètement pour préparer l’avenir, pour recréer un écosystème favorable au photovoltaïque, pour reconstituer une industrie d’activités variées permettant de sauvegarder notre indépendance économique et aussi notre position stratégique. La crise du gaz russe n’a pas ouvert les yeux de nos dirigeants et ne les a pas conduits à une politique volontariste de renaissance industrielle du photovoltaïque. Ils préfèrent se mettre dans les mains des chinois qui fournissent 90 % des panneaux européens et payer.

Pour aller plus loin :

S'inscrire à la newsletter "Le Fil de l'Actu"

Articles les plus lus sur 10 jours glissants

Articles les plus lus sur 1 mois glissant