L R AS Publié le mardi 15 septembre 2020 - n° 331 - Catégories : Regard sur le PV

Regard sur les petits installateurs français face au covid

Le confinement, puis le déconfinement ont été l’occasion de déclarations pointillistes. Chaque entreprise cherchait à enjoliver sa situation et à présenter une image flatteuse d’elle-même. Jusqu’à cette étude de Qualit’EnR, il n’y avait pas eu d’enquête sur la situation des installateurs français. Comment s’est passé l’arrêt de l’activité ? Comment ont agi les entreprises ? Quels ont été les effets sur la trésorerie ? Quels sont les obstacles à une reprise nette de l’activité ? Comment ces entreprises voient-elles le second semestre ? C’est une étude qui mérite qu’on s’y attarde

résumé :

L’impact de la crise : seulement 42 % des entreprises se sont arrêtées durant les deux mois du confinement. 30 % se sont arrêtées moins de trois semaines ! L’effet sur la trésorerie est très variable selon les installateurs, mais généralement mineur. Le confinement a constitué des congés pour un certain nombre de sociétés.

Les perspectives de reprise et de rattrapage de la perte d’activité : si la moitié des entreprises a repris leur activité dès la fin du confinement, d’autres ont dû reporter leur démarrage des chantiers pour des raisons économiques

Le temps perdu durant le confinement ne se rattrape pas : l’absence de prospection de clients durant le confinement entraine quelques semaines plus tard de commandes insuffisantes. Seule une moitié d’entreprises ont trouvé une activité normale à fin juin. Souvent, il leur manque du matériel, mais peu se plaignent d’une trésorerie à sec.

Ces deux études reflètent la situation de l’économie française, la centralisation, l’abandon du local, la nécessité d’une régénération du régional : les entreprises ont été bien seules durant la période de confinement. Il manque un échelon intermédiaire pour réunir, stimuler, coordonner les actions de promotion, de recrutement de clients, de communication des nouveaux produits auprès de la population.

Il manque la réflexion et la vision à moyen ou long terme pour instaurer l’avenir : l’Etat parait ne s’occuper que de grandes entreprises, ce qui se manifeste avec la présentation du plan Hydrogène et du Plan de Relance. Le Premier Ministre et la ministre de la Transition Energétique ont « oublié » de parler du solaire, des énergies renouvelables ou du photovoltaïque. Il est urgent de mener une action locale pour promouvoir le solaire et plus généralement les énergies renouvelables. Si le gouvernement ne veut pas dire qu’il va accorder la construction de plusieurs EPR pour fournir de l’énergie aux électrolyseurs, les régions, les territoires, les communautés de communes doivent s’organiser pour développer les EnR.

 

 Le texte

Les deux études de Qualit’Enr sur la période 29 mai-29 auprès des entreprises qualifiées RGE en juin sont tout sauf inintéressantes. Certes, sur les 11.600 sociétés interrogées, seulement 600 environ ont répondu. Il s’agit essentiellement de PME qui ont moins de 10 salariés, à 92 %. Un examen par nombre de salariés aurait fourni une image différente ! Le sondage n’est pas représentatif de l’ensemble de la filière des grandes sociétés qui font la « Une » des informations, mais ces entreprises représentent le tissus industriel français. C’est pourquoi ces deux enquêtes sont intéressantes. La première concerne l’impact de la crise avec une enquête menée du 29 mai au 5 juin. La seconde veut percevoir la reprise et s’il y a eu un rattrapage d’activité

 L’impact de la crise :

42 % des entreprises interrogées ont cessé complètement leur activité dès le début du confinement et pendant deux mois ou plus ; 22 % se sont arrêtées un à deux mois ; 14 % ont suspendu leur activité pendant un mois. 29 % ont réduit leur activité au maximum trois semaines. Cette diversité de comportement traduit certainement des cas particuliers ou des situations géographiques variées.

Ceci explique que le chiffre d’affaires d’avril 2020 de ces entreprises se soit effondré sur celui d’avril 2019 : un quart des entreprises (24 %) n’a perçu aucun revenu sur la période, un autre quart (27 %) a subi une baisse de 75 % de son chiffre d’affaires. Un cinquième (20 %) a constaté une baisse de moitié de leurs rentrées financières. La perte de rémunération est considérable et aurait dû fragiliser les trésoreries, ce qui n’est pas le cas comme on le verra ci-dessous. C’est la conséquence de l’absence d’activité, des perturbations de la Poste et peut-être aussi de difficultés de certains clients.

Bien peu de prospections durant le confinement

Cette période d’inactivité n’a été mise à profit que par 23 % (un quart) des entreprises pour démarcher les clients ou les prospects. 8 % pour se former ou s’informer des évolutions du métier. Ces faibles chiffres sont inquiétants car le futur des entreprises a été négligé par les dirigeants qui ont préféré à 46 % selon les réponses « prendre du temps pour soi ou pour sa famille ». Le temps de repos a dominé même avec les autres réponses (préparer la reprise, réorganiser les locaux, faire des démarches administratives, mettre à jour les outils de promotion). Elles font croire à beaucoup de travail et d’activité. En vérité, l’attente et l’inaction a dominé.

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Les perspectives de reprise et de rattrapage de la perte d’activité

Les entreprises ont repris leur activité en mai à 93 %. Pour moitié (52 %) à partir du 11 mai, date du déconfinement officiel ; à 41 % au cours du mois de mai ; et 7 % d’entre elles envisageaient de reprendre le travail en juin ou ultérieurement. Les raisons d’un report de reprise d’activité (pour les 7 % de répondants) proviennent de l’annulation ou du report de chantiers (à 31 %), des difficultés d’approvisionnement (28 %), de l’application de règles sanitaires compliquées ou impossibles (20 %), de l’insuffisance de salariés (garde d’enfants, maladie, ou droit de retrait du personnel) pour 11 %, du choix personnel du dirigeant (10 %). On notera que 60 % des réponses sont liés au contexte économique des entreprises.

Les difficultés de reprise proviennent aussi des relations avec les clients : le report et l’annulation de chantiers sont cités à 53 % dans les réponses, mais il y a aussi le refus d’accès à un chantier (39 %) ; le refus de démarrer un chantier (33 %) ; ou encore le refus d’établir un devis (35 %) ; il faut aussi mentionner des difficultés de paiement de la part des clients (35 %). Seulement 23 % (un quart des entreprises) n’ont eu aucune difficulté avec leurs clients.

Fin juin, seule la moitié des entreprises sont revenues à une activité normale

Au 26 juin 2020 (45 jours après la fin du confinement), si la moitié (53 %) des répondants considèrent leur activité comme normale, 35 % la considère insuffisante ou très faible. C’est la conséquence de l’arrêt de la prospection des dirigeants durant le confinement. Pourtant, 96 % des chantiers avaient repris. Ceci se répercute sur le niveau de chiffre d’affaires du mois de juin qui est seulement (à 27 %) égal ou supérieur à celui de juin 2019 ; à l’inverse, 38 % des entreprises ont perçu 75 % du CA de l’année précédente, 20 % la moitié, et 15 % entre 0 % et 25 %. Ce constat devrait durer en septembre puisque 31 % s’attendent à un chiffre d’affaires égal ou supérieur à celui de septembre 2019 (ce qui indique un très léger regain d’activité depuis la fin du confinement), mais 40 % seront encore à 75 % de leur revenu de 2019 ; 29 % resteront en dessous de la moitié de leur chiffre d’affaires de l’an dernier.

Les chiffres évolueront peu pour l’ensemble de l’année avec seulement 34 % qui réaliseront autant ou davantage de chiffre d’affaires que l’an dernier ; 43 % n’encaisseront que 75 % du niveau 2019. Ceci indique que le redressement de l’activité est lent, très lent. Il est la conséquence du traumatisme sanitaire dans la population française, de l’arrêt des prospections et aussi d’une méconnaissance des ménages de l’intérêt des équipements d’énergies renouvelables.

Le chiffre d’affaires perdu durant le confinement ne se rattrapera pas

Ce chiffre d’affaires perdu ne sera jamais rattrapé pour 22 % des dirigeants. Pour 32 % des interrogés, le retour des affaires au niveau antérieur exigera plus de six mois ; 18 % n’osent pas se prononcer. Autrement dit, la perte de chiffre d’affaires est irrémédiable pour une grande partie des entreprises, car l’intérêt des Français pour les énergies renouvelables n’est pas significatif, ni manifeste. En outre, il n’y a pas eu d’adaptation des entreprises à une nouvelle situation. C’est bien différent des Etats-Unis où les grands installateurs se sont adaptés en faisant des promotions et des recrutements de clients en ligne. Le résidentiel américain n’y a reculé que de 25 % au 2ème trimestre par rapport au 1er (certes il s’agit d’une moyenne nationale, alors qu’en France, la décomposition conduit à une baisse de 35 %).

Surtout, les ménages ressentent (fin juin 2020) de nouvelles inquiétudes liées à un chômage total ou partiel, subissent des situations particulières (divorce, décès) pour 34 % ; craignent une crise financière (12 %) ; certains ajoutent les difficultés pour obtenir des aides financières et/ou craignent une diminution des aides de l’Etat (15 %). Ceci témoigne de la frilosité de la population française qui considère que la crise est loin d’être terminée et qu’il vaut mieux attendre et voir, plutôt que de s’engager dans des travaux. Il est vrai que les promotions et publicités pour les énergies renouvelables sont rares, peu séduisantes et n’incitent pas à faire confiance car on cite plus souvent les éco-délinquants que les entreprises ayant réalisées de bons chantiers. En conséquence, on récolte ce qu’on a semé ! C'est-à-dire une certaine apathie de la population française envers des besoins importants, ceux de mettre en œuvre les énergies renouvelables.

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Le temps perdu durant le confinement ne se rattrape pas

En conséquence, les entreprises libellées RGE considèrent qu’elles ne s’attendent pas à une augmentation des travaux à réaliser (à 43 %). Seulement, un quart (24 %) envisagent un accroissement des chantiers ; et un tiers (33 %) ne perçoit pas d’évolution, traduisant une situation peu claire, fluctuante et n’engageant pas à l’optimisme. Ces entreprises reconnaissent (aux deux-tiers) n’avoir aucune difficulté particulière avec leurs clients, seulement, ceux-ci ne sont pas assez nombreux ! C’est la conséquence du manque de promotion tant au niveau national, que local pendant le confinement.

Pas vraiment d’obstacles à la reprise de l’activité

En revanche, les freins à la relance de l’activité ne paraissent pas rédhibitoires : les approvisionnements en matériaux ne sont importants que pour un quart des entreprises (26 %), l’indisponibilité en personnel est faible (10 %). Seulement, la baisse de la productivité est importante dans 22 % des entreprises. Les difficultés de trésorerie ne sont citées que dans 16 % des réponses, taux qui est quasiment le plus faible des obstacles cités à la reprise d’activité. Reste la cause principale des freins à la reprise d’activité qui est la faiblesse du nombre de chantiers. En effet, on ne peut pas avoir préféré son repos et sa famille à son travail durant le confinement, et en même temps, voir son entreprise croître ! On en revient aux remarques précédentes : le manque de prospection se traduit dans le carnet de commandes et l’absence de stimulation nationale, régionale et locale en faveur des EnR.

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Ces deux études reflètent la situation de l’économie française, la centralisation, l’abandon du local, la nécessité d’une régénération du régional

Le tour d’horizon de ces installateurs de taille moyenne ou petite manifeste plusieurs caractéristiques françaises : un oubli par les autorités de ce tissus d’entreprises au plus près des consommateurs ; une absence d’organisation représentative capable de diffuser dans un rayon réduit (local ou régional), une stimulation pour les énergies renouvelables ; le manque criant de promotion des entreprises sérieuses et compétentes (le label n’est pas suffisant) ; un dynamisme économique insuffisant qui s’est traduit durant le confinement par un repli et un arrêt d’activité de ces entreprises alors que cela aurait dû être le temps de leur réorganisation en profondeur, de leur réinvention, de leurs messages de prospection, de l’annonce d’appareils nouveaux, d’organisation nouvelle : le temps a été perdu sous prétexte de la pandémie, sans regarder au-delà de cette crise sanitaire (là, le gouvernement à une lourde responsabilité) ; une absence de proposition alternative à base d’internet pour faire connaitre les nouveaux produits, mais aussi et surtout, on ne souligne pas assez l’avantage financier ou pratique de nouveaux matériels. En définitive, il manque l’action en profondeur de l’échelon intermédiaire qui fait le succès d’une région, d’une communauté de communes, d’un territoire.

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Il manque la réflexion et la vision à moyen ou long terme pour instaurer l’avenir.

 On n’est pas très aidé par l’Etat qui dans son Plan de Relance mise sur les électrolyseurs produisant de l’hydrogène. Ceci concerneront quelques grands groupes alors que le Premier Ministre et son ministre de la Transition Ecologique n’ont pas prononcé une seule fois le mot ‘solaire’, ‘photovoltaïque’, ‘énergie renouvelable’, peut-être comme le dit le président de SER-Soler parce que le gouvernement français ne croit pas à l’avenir du solaire. Ou bien parce que celui-ci n’ose pas annoncer que son plan hydrogène se fera avec du nucléaire faiblement carboné. Si les autorités nationales n’y croient pas, autant montrer localement que le solaire est valable, concrètement, financièrement et pratiquement. Les Français l’adopteront. C’est que la population commence à percevoir que les décisions venant du haut ne paraissent pas très pertinentes !

Il y a un message à mettre en œuvre : « aides-toi, le ciel t’aidera »

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