L R AS Publié le mardi 12 mai 2020 - n° 321 - Catégories : Regard sur le PV

Regard sur les bienfaits de l’épidémie de coronavirus

Le comportement des Français a été différent durant le confinement

Que va-t-il rester de cette attitude ?

Une baisse de la consommation d’électricité de 10 % à 20 %

La contribution du solaire + éolien à la demande d’électricité n’est plus marginale

Les centrales à charbon sont désormais condamnées

La croissance du solaire demeure exponentielle

Il reste à réaliser des économies d’énergies dans les bâtiments

La désintoxication au pétrole attendra car les batteries ne sont pas prêtes

 

 

Le texte

Dans un pays qui n’a fait que compter le nombre de ses morts et attirer l’attention sur l’envahissement des lits d’hôpitaux par la maladie, on a oublié de regarder aussi le bon côté de la situation.

On s’est focalisé sur les 26.000 décès liés à cette maladie et on a oublié que 40.000 disparitions annuelles provenant de la pollution en France. On a omis de décompter les économies de morts sur les routes lors de ces deux mois de confinement puisqu’on a beaucoup moins circulé en voiture.

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Le comportement des Français a été différent durant le confinement

On a évité de regarder le changement d’attitude des Français durant ces deux mois de confinement. Ils se sont davantage promenés dans la rue qu’auparavant, lorsqu’ils prenaient leur véhicule. On a oublié de dire qu’ils ont fait davantage attention à leur voisin ; ils les saluaient sans même les connaitre. Ils se sont davantage rendus dans leurs commerces de proximité, et ils ont moins couru dans les grandes surfaces, amplifiant un mouvement de désintérêt pour les hypermarchés. Ils acceptent d’acheter plus chers des produits français locaux plutôt que des produits importés. Ils n’ont plus changé de lieux de vie au gré des fêtes, ponts, invitations et occasions. Ils ont demeuré, malgré le beau temps, dans leur habitation habituelle. Ils ont pris leur logement comme un lieu de vie. Ils ont été obligés de le considérer, de l’examiner, d’en voir les avantages ainsi que les inconvénients.

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Que va-t-il rester de cette attitude ?

Tout ceci n’est que le résultat des impressions répétées de multiples fois, mais il ne s’agit pas de constatations statistiques. Des attitudes ont été modifiées pendant le confinement. Rien ne dit que ces changements introduits par le confinement, persisteront après, au cours de la période de déconfinement. On ne peut pas encore dire que les distances physiques continueront à être respectées ; que l’absence de déplacements constituera une nouvelle caractéristique de la vie ; ou encore que la pratique du vélo pour effectuer de brefs déplacements sera maintenue. On peut seulement affirmer que les Français ont découvert une autre façon de vivre que leur mode de vie ancien. Qu’en restera-t-il dans le proche avenir ? Quelle sera la proportion d’habitudes anciennes par rapport aux comportements nouveaux ? Pour le moment, on n’en sait rien.

Cette période de deux mois de confinement qui s’est pratiqué à peu près de la même façon dans les différents pays européens, ont déjà des conséquences importantes.

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Une baisse de la consommation d’électricité de 10 % à 20 %

L’absence de fonctionnement de nombreuses usines et de transports routiers ou aériens a réduit la demande d’électricité, de 10 % à 20 % selon les pays.

D’une part cette proportion est particulièrement faible car on aurait pu s’attendre à ce que ces lieux de production occupent davantage de place dans la demande au réseau, ou même que les commerces (fermés) soient davantage gourmands en électricité. Ceci indique que la demande des ménages est principale dans la consommation d’électricité.

D’autre part, le confinement s’est produit lors d’une période d’ensoleillement particulièrement généreux, ce qui a augmenté la production d’énergie solaire. Ainsi, d’une année sur l’autre, l’augmentation de la contribution de l’énergie solaire a augmenté de près de moitié dans le mix énergétique, même si le taux de participation est encore faible

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La contribution du solaire + éolien à la demande d’électricité n’est plus marginale

Si on considère l’apport du solaire + éolien, il contribue pour près de la moitié à la demande d’électricité en Allemagne (à 45 %). C’est près du tiers en Espagne (28 %), au Royaume Uni (32 %), au Portugal (28 %).

Si on rajoute l’hydroélectricité, la part des énergies renouvelables atteint 50 % à 70 % de la demande d’électricité en Europe au cours de ces deux mois (la France et les Pays Bas s’en distinguent en étant nettement en dessous de la moyenne européenne). Le Portugal a probablement été le pays ayant le plus utilisé d’EnR durant cette période avec un taux de 69 %, dont 35 % d’hydraulique.

Ceci veut dire premièrement que les gestionnaires de réseaux électriques ont dû s’adapter à une production intermittente. Ce qui paraissait impossible à réaliser il y a encore deux ans, les professionnels l’ont fait. Ils ont trouvé des solutions au moment où personne n’avait le choix… Il fallait que le réseau électrique fonctionne.

Deuxièmement, qui dit 50 % à 70 % d’énergies renouvelables, souligne que les combustibles fossiles n’ont représenté que 30 % à 50 % de la demande. Ils sont devenus minoritaires. Ils ont été utilisés pour combler les intermittences et les insuffisances d’EnR. De source principale d’énergie, le charbon et le gaz sont devenus accessoires. Quel changement ! Ainsi, aux Etats-Unis, l’apport des EnR à la demande a dépassé durant quarante jours, la contribution du charbon et du gaz. Au cours des quatre premiers mois de 2020, il y a eu 81 jours avec des EnR prépondérants sur les 160 jours de la période ! Plus significativement, alors qu’en 2019, la contribution des EnR était marginale sur la période, elle devient la première !

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Les centrales à charbon sont désormais condamnées

Troisièmement, la mise à arrêt des centrales à charbon pendant de nombreuses périodes ou même de jours du quadrimestre annonce la mort de ces unités. Tout gestionnaire de ces centrales a compris que la durée de vie de ces générateurs était désormais limitée. Ils sont en sursis et même condamnés. Ce qui coûte cher, c’est la mise à l’arrêt, puis la relance de la production d’électricité avec le charbon. Les exploitants de ces unités ont perdu énormément d’argent avec ces arrêts et ces durées limitées d’exploitation. Ils ont compris qu’il leur fallait arrêter au plus vite l’exploitation de ces centrales car ils allaient perdre beaucoup d’argent, sans espoir de les rentabiliser à l’avenir. Il n’y a plus besoin de fixer une date limite d’exploitation par les autorités politiques. Les faits imposent leur fermeture. On aura beau essayer de retarder leur fermeture, réduire leurs coûts, améliorer leurs rendements, les énergies renouvelables ont gagné. La modernité s’impose. Certes, la réduction de la consommation d’électricité a été favorisée par la pandémie. Certes, la demande se rétablira peut-être jusqu'au niveau antérieur, mais, il y a eu un aperçu de ce vers quoi on tend, l’arrêt du charbon comme source d’énergie.

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La croissance du solaire demeure exponentielle

Quatrièmement, un phénomène était passé inaperçu précédemment. Il explique à la fois la rapidité du déclin du charbon et l’émergence du solaire ou de l’éolien. Le solaire croit à un rythme étonnant, sidérant et stupéfiant.

Si on se réfère aux statistiques de l’IEA pour 2019, cet organisme évalue les installations solaires mondiales à 115 GW et estime que la capacité installée atteint 629 GW. Un rapide calcul indique qu’il y a eu 18 % d’installations solaires en plus dans le monde en douze mois. Ce chiffre est sous-estimé car il faudrait comparer les 115 GW à la moyenne de l’année soit (514 + 629) /2, ce qui ferait atteindre un taux de croissance de 20 %.

Si on considère les installations allemandes, le taux de croissance est de 4 GW /50 GW soit 8 %. En France, les 0,8 GW / 8 GW installés, représentent une croissance de 10 % en une seule année. Ces deux taux de progression des installations solaires sont presque ridicules par rapport à ceux de l’Espagne, des Pays-Bas... Il est certain qu’un tel taux de croissance qui se poursuit pendant des années ne peut qu’amener les énergies renouvelables au firmament. Avec ou sans écologistes.

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Il reste à réaliser des économies d’énergies dans les bâtiments

Si on considère que sans grande action politique, mais sous l’effet de l’intérêt bien compris des dirigeants, les installations solaires et éoliennes vont continuer à se multiplier, on comprend mieux le choix de la Commission Européenne (si celui-ci est confirmé !) de privilégier la rénovation des bâtiments. Pourquoi vouloir encourager les installations solaires ou éoliennes alors que leur rythme de développement est déjà très (trop) rapide et entraine des perturbations économiques qu’il faut absorber (disparition du charbon, reconversion obligatoire des bassins d’emplois, lancement de nouvelles activités). Accélérer le mouvement serait mauvais pour la stabilité sociale, économique et humaine. Il ne faut surtout pas accélérer ce mouvement. Il est déjà trop rapide.

Puisque la consommation électrique individuelle est si importante dans la consommation nationale, en représentant entre 80 % et 90 % de la production d’électricité, où peut-on agir pour l’avenir ? Sur le bâtiment, et sur les économies d’énergies. On en a une preuve avec les difficultés de la France pour lancer sa RT 2020, qui est devenue la RE 2021. Sa mise en place est déjà reportée du 1er janvier 2021, à l’été 2021. Ceci montre que les professionnels ne sont pas d’accord sur les critères, sur les modalités, sur la façon de parvenir à l’objectif. D’ailleurs, l’absence de date précise (« à l’été 2021 ») souligne que l’échéance sera sûrement reportée au 1er janvier 2022

Agir sur la consommation énergétique des bâtiments, tel que l’envisage la Commission, est le moyen de réduire les besoins d’énergie puisque les habitations résidentielles contribuent pour 21 % à la consommation d’énergie et les bâtiments tertiaires pour 8 %. Ainsi près du tiers de la consommation d’énergie dans le globe provient du bâtiment au sens large. Ne pas s’intéresser à ce créneau serait une faute.

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La désintoxication au pétrole attendra car les batteries ne sont pas prêtes

Les réactions indignées de certains à cet objectif indiquent qu’ils auraient préféré qu’on s’attaque à l’utilisation des hydrocarbures : l’électricité est principalement utilisée dans les usages individuels et de production. Le pétrole est peu présent (entre 1 % et 5 %) dans la production d’électricité. Il sert surtout aux transports routiers, aériens et maritimes. Or, le monde n’a pas encore mis au point de batteries suffisamment performantes pour utiliser un véhicule de façon comparable à une automobile à essence. De même le coût d’utilisation des batteries reste trop élevé. De plus, la durabilité des batteries est encore à confirmer dans le temps. Il est trop tôt pour envisager d’abandonner les hydrocarbures. Qu’on le veuille ou non.

Ainsi, durant la pandémie, les énergies renouvelables ont gagné leur brevet d’utilisation intensive, et d’adaptabilité au réseau malgré leur intermittence. C’est déjà cela. Leur propagation va se poursuivre avec la réduction du coût du kilowattheure, avec leur acceptation, avec leur généralisation. Il faut que les batteries s’améliorent. Peut-être faut-il attendre une nouvelle pandémie ou une nouvelle crise pour s’apercevoir que les EnR + batteries sont devenues fréquentables et indispensables ?

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