L R AS Published on Tuesday 9 October 2018 - n° 250 - Categories:Regard sur le PV

Regard sur Neoen en bourse

le sommaire

Sur la connaissance de l’entreprise :

La répartition géographique du chiffre d’affaires enseigne sur les opportunités de marché :

Sur la valorisation de l’entreprise :

Le taux de croissance explique aussi la valorisation de l’entreprise en bourse.

La bourse, un vecteur de notoriété et d’indépendance

le texte

Regard sur Neoen en bourse

Est-ce le début d’une vague d’introduction ? Sous l’aspect d’une mesure technique et ponctuelle, l’introduction en bourse de Neoen pourrait bien donner des idées aux plus gros développeurs français.

Sur la connaissance de l’entreprise :

Toute introduction en bourse est précédée de l’établissement d’un document visé par l’Autorité des Marchés Financiers qui regroupe l’ensemble des informations de l’entreprise, bien sûr juridiques, économiques avec les actifs, le marché, et financières avec le compte de résultat, le bilan... En principe, rien ne doit rester secret de l’entreprise afin qu’un investisseur puisse percevoir totalement l’entreprise, et se faire une opinion sur  l’intérêt d’investir ou non dans l’entreprise. Pour les concurrents, le document (cf https://invest.neoen.com/var/fichiers/neoen-document-de-base-vffr.PDF) est une mine d’information sur sa trajectoire, sur ses pratiques, sur sa politique financière, sur la stratégie menée… Il faut l’étudier à la loupe tant les informations sont précieuses et surtout significatives.

 

CA 2017

cr / 2016

CA 1er sem

croiss

CA 2018 e

croiss.

EBE/CA2017

EBE/CA 2018

frais fin 2017/CA

Neoen

139 M€

71%

102 M€

87%

225 M€

62%

73,40%

76,70%

29,00%

                   

Voltalia

180 M€

42%

75 M€

11%

225 M€

22%

40,30%

 

17,10%

 

 

ben/CA2017

capi bours

capi / CA 2018

Capi/ebe 2017

Capi/ebe 2018

install fin2017

installations

Neoen

5,30%

1500 M€

6,7 fois

14,7 fois

8,7 fois

1,2 GW 2018

3,3 GW 2021

               

Voltalia

1,90%

443 M€

2 fois

6,2 fois

 

0,5 GW

1 GW fin 2020

 

Ainsi, Neoen s’était concentrée sur le solaire au cours de ces dernières années. En 2017 encore, le chiffre d’affaires PV dépassait celui de l’éolien. Au 1er semestre 2018, il y a inversion de primauté. Certes, ceci provient des constructions et de l’intensité du vent, mais pas seulement. Est-ce un changement de stratégie qui s’explique par une analyse de rentabilité ? Y a-t-il eu des opportunités ? Y aura-t-il de meilleures perspectives à moyen terme ? Un professionnel du métier pourrait tirer de ce constat, des conclusions intéressantes pour sa propre entreprise. De même, on constate au 1er semestre 2018, pour la première fois, un revenu provenant d’une installation de stockage. Est-ce une opération isolée ? Ou est-ce le début d’une politique où tous les générateurs d’énergie seront reliés à une installation de stockage car cela permet de déplacer la capacité énergétique du moment de sa production vers la période de son utilisation permettant d’obtenir davantage de revenus ?

La répartition géographique du chiffre d’affaires enseigne sur les opportunités de marché :

Concernant les éoliennes, alors que Voltalia a préféré le Brésil pour 90 % de ses actifs et qu’EDF EN a choisi l’Amérique du Nord pour près de la moitié de ses installations (47 %), Neoen a préféré l’Australie puisque les ¾ des revenus proviennent de ce continent et n’a rien misé en Amérique ou le Brésil ! Pour le photovoltaïque, Neoen préfère la zone EMEA (Europe, Afrique, Moyen Orient) qui lui fournit les ¾ de son chiffre d’affaires. Un dirigeant se posera la question, pourquoi une telle répartition géographique ? Avoir son pré carré ? L’intérêt d’avoir développé des relations d’affaires étroites permettant d’obtenir plus facilement des contrats ? Avoir une analyse des vents provenant de sources différentes et fournissant des résultats différents ? Y a-t-il un autre espace géographique où l’éolien serait bien adapté et où des places seraient à prendre ?

Sur la valorisation de l’entreprise :

Les comptes de Neoen témoignent de la rapidité de sa croissance. Ils sont particulièrement brillants avec un doublement du chiffre d’affaires entre 2015 et 2017. Ce rythme parait se maintenir avec la croissance de 87 % du chiffre d’affaires entre le 1er semestre 2017 et le 1er semestre 2018. Là encore, comment Neoen s’y est-il pris pour mettre en place une telle dynamique ? Certes, il y a des accords avec Tesla, Google, … mais ceci n’explique pas tout. A fin juin, pour une capacité installée et en production de 1,24 GW, il y avait 0,60 GW en construction, soit un taux de 50 %. Ceci peut faire réfléchir tout dirigeant qui ne parvient pas à une telle croissance. Ce qu’on peut facilement affirmer, c’est que ce n’est pas en restant sur les appels d’offres français que cette croissance a été obtenue. Il serait plus juste de dire que c’est parce que Neoen a tourné le dos aux appels d’offres qu’il est parvenu à une telle croissance…

Le taux de croissance explique aussi la valorisation de l’entreprise en bourse.

Un des meilleurs critères pour une société qui investit beaucoup, est le taux capitalisation boursière rapporté au chiffre d’affaires. Bien évidemment, plus le rythme est élevé, plus ce ratio sera important. Sur la base des chiffres 2017, le prix proposé est trois fois plus élevé que celui de Voltalia, alors que le chiffre d’affaires des deux sociétés sur l’exercice 2018 sera comparable. Ce comparatif indique qu’on cherche à faire payer les nouveaux actionnaires de Neoen, au profit des anciens. On leur fait miroiter une très forte croissance : les chiffres indiquent un volume d’installation en exploitation et à construire de 2 GW actuellement. Il sera multiplié par 2,5 d’ici 2021. Or il n’y a que 1,2 GW en exploitation (contre 0,5 GW chez Voltalia) et malgré cet écart entre les deux sociétés, le chiffre d’affaires 2018 sera comparable. Ce qui veut dire que Voltalia est deux fois plus capable de générer du chiffre d’affaires par mégawatt installé ! Probablement parce que Neoen a préféré des installations dans des pays sûrs, alors que Voltalia a choisi le Brésil, pays plus risqué et donc bien plus rentable, ce dont Voltalia a bien conscience en cherchant désormais à diversifier sa zone géographique d’activité, du Brésil vers l’Europe et l’Afrique.

Pour se faire bien voir, Neoen affirme parvenir à 5 GW en 2021, mais il y inclut les installations en cours de construction. Si le ratio 2/1 (de 2018) reste valable, les installations en exploitation de Neoen seront de 3,3 GW, soit 2,5 fois plus, d’ici trois ans. De son côté, Voltalia compte doubler à 1 GW son parc installé d’ici fin 2020. Le rythme attendu de croissance est presque comparable. En revanche, le coût de ces investissements se retrouve dans le bilan et les frais financiers : Neoen emprunte 90 % de ses projets et finance en capitaux propres 10 %, alors que Voltalia emprunterait 60 % et apporterait 40 % sous forme de capitaux propres. Il en résulte un taux de frais financiers bien différents : 29 % du CA chez Neoen, contre 17 % chez Voltalia en 2017. La volonté de croissance se traduit par un endettement bien plus élevé. Il ne faudrait pas qu’il y ait une indexation du taux des emprunts lors de la période de remontée des taux d’intérêt qui va intervenir dans les prochains semestres, car Neoen serait en grande difficulté.

La bourse, un vecteur de notoriété et d’indépendance

Bien que connu des professionnels du secteur, Neoen accède à la notoriété financière comme étant l’introduction en bourse la plus importante de 2018. Elle captive les financiers qui la comparent aux sociétés où ils ont une participation. Elle séduit le monde des dirigeants où Direct Energie et Neoen sont en symbiose. Avec la Bourse, les dirigeants de Neoen desserrent l’étau des financiers qui ont contribué jusqu’à présent à financer la société. L’actionnaire d’origine, Impala, détenait 54,5 % du capital avant introduction. Après avoir collecté 441 M€ de trésorerie supplémentaire, il reviendra à 51 %. Il aura sauvé sa majorité au capital et recueilli des capitaux frais d’actionnaires moins regardants que les FCPI présentes au capital, tout en bénéficiant de l’avantage de notoriété et de respectabilité. En revanche, il aura à supporter les coûts et les contraintes de la cotation…

En se soumettant aux feux de la rampe, Neoen a probablement éveillé l’intérêt d’une cotation pour un grand nombre de développeurs français à la recherche de capitaux. Ces dirigeants vont vite faire le calcul : pour 100 millions de chiffre d’affaires, on peut valoriser la société entre quatre et huit fois ce montant selon le taux de croissance de l’entreprise et de ses perspectives, à condition d’être rentable. C’est bien supérieur à ce qu’un financier peut offrir car au sein d’une entreprise non cotée, il n’a pas la possibilité de sortir du capital sauf à trouver un autre financeur… Avec la bourse, l’ouverture au public élimine cette contrainte et fait rentrer au capital de nouveaux actionnaires… De plus, lors d’augmentations de capital non suivies par l’actionnaire principal, la détention peut passer en dessous de 50 % sans que le contrôle de l’entreprise ne lui échappe. Enfin, le portefeuille d’appels d’offres gagnés et à réaliser offre une garantie pour les nouveaux actionnaires… L’augmentation de capital qui peut être réalisée à cette introduction en bourse, donnera d’autres moyens financiers, créera une notoriété et un dynamisme chez le personnel de l’entreprise concernée. Il y a de très nombreux avantages. L’inconvénient majeur est d’être obligé de fournir de l’information au public ce qui prend du temps et a un coût : pour le moment, Neoen compte payer 9 M€ pour la seule opération d’introduction en bourse/augmentation de capital et aura récolté 440 M€. Pour le moment, ce n’est pas cher payé.

 

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