L R AS Published on Tuesday 29 November 2016 - n° 170 - Categories:Regard sur le PV

Regard sur le PV n° 170 du 29 novembre


LES COMPAGNIES D'ELECTRICITE COMMENCENT A S'INQUIETER DE LA CONCURRENCE DE NOUVEAUX VENUS 
    Des propositions sont multiples.
    Pour le moment bien peu de commercialisation.
   
Les compagnies d'électricité sont fragilisées en Allemagne.
   
EDF aussi    
   
Comment réagir ?
   
LA FILIERE 
    Les fabricants de plaquettes et de cellules durement affectées par la baisse des prix. Les fabricants de panneaux en ont profité !

   
La bonne conjoncture pour les fabricants de panneaux parait terminée 
   
La compétitivité chinoise s’érode. 
   
De nombreuses unités de production de silicium vont venir en exploitation  

A NOTER

les textes

LES COMPAGNIES D'ELECTRICITE COMMENCENT A S'INQUIETER DE LA CONCURRENCE DE NOUVEAUX VENUS

    Les compagnies d’électricité en Europe, mais aussi aux Etats-Unis commencent à s’inquiéter de la concurrence que leur portent de jeunes entreprises créées il y a peu et qui se placent entre les producteurs d’énergie et les consommateurs. Jusqu’à présent, une relation claire était instaurée entre un producteur, souvent un monopole, et un usager : il lui fournissait de l’électricité. Bien évidemment, il essayait de le faire le mieux possible mais avec une autorité et une arrogance qui signifiait bien où se trouvait le pouvoir et la capacité de production.
   
    Des propositions sont multiples.
    Au cours de ces dernières années, de petites entreprises se sont créées sur une compétence numérique ou sur une capacité à fédérer des blocs d’énergie non utilisée ou disponible. On a vu fleurir l’autoconsommation, donc une séparation plus ou moins nette entre le producteur et le consommateur. On a vu apparaitre des services pour augmenter l’autoconsommation : des logiciels ont géré les besoins des utilisateurs afin d’optimiser la production locale qui puisse être consommée. On a vu aussi émerger des entreprises capables d’acheter des excédents de production résidentielle pour les fournir à d’autres consommateurs dans ce qu’on a appelé des centrales électriques virtuelles. Chacune de ces entreprises a une spécificité plus ou moins pointue dans tel ou tel de ces domaines. Comme pour couronner le tout, des communautés de production et de consommation se sont créées pour éviter de dépendre des producteurs historiques d’énergie.
   

    Pour le moment bien peu de commercialisation.
   
Jusqu’à présent, le foisonnement a davantage été sur le plan des produits présentés, plutôt que sur celui de la diffusion car les habitudes des consommateurs sont tenaces. De plus, on n’a pas encore le retour d’expérience des utilisateurs de ces systèmes. Ainsi, pour la première fois cette semaine, un système d’autoconsommation a été installé dans un immeuble parisien ! De son coté, le système production d’électricité+production d’eau chaude de DualSun n’a été installé en Europe que 500 fois. Ainsi, les idées sont en œuvre mais la diffusion commerciale est encore embryonnaire. De même, après avoir annoncé le lancement de son service de centrale virtuelle en Allemagne, l’allemand Sonnen n’en parle plus, comme si le lancement du produit n’avait pas rencontré le succès escompté. De même, le stockage qui agite les professionnels, ne parait toucher que quelques milliers de ménages aux Etats-Unis. A tel point que le PDG de Sonnen outre-Atlantique a préféré rejoindre un concurrent autrement plus sérieux Mercedes Benz qui veut se lancer en Amérique.
  

   
Les compagnies d'électricité sont fragilisées en Allemagne.
   
Bien qu’excessivement marginale, cette émergence commence à inquiéter les compagnies d’électricité traditionnelles. Elles se voient attaquées dans leur mission première, celle de produire de l’énergie et de la diffuser. Elles se voient de plus en plus éloignées de leurs clients utilisateurs par ces nouveaux venus. Surtout, elles ne savent pas comment réagir. Continuer à produire sans faire attention aux nouveaux concurrents n’est pas une bonne politique, sans compter que les générateurs d’énergie sont de plus en plus contestés en Allemagne avec la fermeture des centrales nucléaires, et désormais de charbon et bientôt à gaz car la priorité aux énergies renouvelables empêche de produire en continu tout au long de la journée, chaque jour de l’année. D’où les pertes abyssales de RWE qui a dû provisionner 10 milliards d’euros sur les neuf premiers mois, d’où une perte nette de 9,4 milliards d’euros à fn septembre, ce qui ramène quasiment à zéro les capitaux propres du groupe. Comment RWE pourra-t-il faire face à d’autres dépréciations provenant de la mise à l’arrêt plusieurs heures par jour de certaines de ses centrales pour laisser la place aux énergies renouvelables sur le réseau ? E.ON n’est pas mieux loti car il a annoncé une perte nette de 6,3 milliards d’euros pour le seul troisième trimestre 2016. La situation pour ces deux groupes allemands est délicate, car il faut réagir. Mais dans quel sens ?.
   

   
EDF aussi
   
Si RWE et E.ON sont des figures marquantes parmi les producteurs d’électricité, EDF traverse lui aussi des turbulences malgré son parc nucléaire : a°) Greenpeace vient de l’accuser d’avoir sous-estimé de 50 à 70 milliards d'euros, le provisionnement pour le démantèlement des centrales .Indirectement, il l'accuse d’être en faillite virtuelle (au bilan d’EDF fin 2015, les capitaux propres étaient de 40 Mds €; l’endettement financier net de 67 Mds €; les provisions pour déconstruction des centrales nucléaires de 45 Mds €). b°) L’Agence de Sûreté Nucléaire impose la fermeture de certaines centrales qui présentent un danger. La mise aux normes de sécurité imposerait des coûts particulièrement élevés, alors qu’EDF voudrait prolonger la durée de vie des centrales pour étaler leur démantèlement et donc le coût associé : il y a négociation entre la sécurité des installations et la capacité financière d’EDF. c°) La capacité financière d’EDF a été mise en doute lorsqu’il s’est agi de construire l’EPR britannique. On s’est interrogé sur le poids que constitue le coût de la construction estimé entre 20 à 22 milliards d’euros, sans compter l’aléa technique. Ces multiples problèmes rencontrés par EDF qui veut maintenir son orientation nucléaire, l’empêche d’élaborer une stratégie valable pour contrer l’émergence des prestataires de services. Ceux-ci vont, soit créer des centrales virtuelles, soit élaborer des solutions d’autoconsommation qui assurent une autonomie toujours de plus en plus élevée, soit encore répondre aux attentes des utilisateurs qui veulent maîtriser leur consommation énergétique. EDF lutte donc sur plusieurs fronts : sauvegarder sa place de n° 1 mondial dans le nucléaire et ne pas négliger les mutations en cours dans le secteur énergétique. EDF est asphyxié par le nucléaire

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Comment réagir ?
   
Le danger vient de plus en plus de ces applications numériques qui permettent d’échanger de l’énergie entre voisins. Ceci permet d’éviter les pertes sur les lignes électriques, mais aussi la lourdeur administrative de ces grands groupes. Que ce soit le hollandais Powerpeers, Fenecon, LichtBlick, Next Kraftwerke, SENEC et Sonnen, mais aussi l’américain AutoGrid, tous réduisent le rôle des grandes compagnies d’électricité et diminuent le recours au réseau ! Dans ces conditions, comment peuvent-elles réagir ? Comment peuvent-elles justifier leurs tarifs ? Comment peuvent-elles survivre à une augmentation de l’autoconsommation chez les utilisateurs ? Pour percevoir l’importance de la menace, on estime à 1,4 million de foyers allemands qui ont une installation photovoltaïque (contre 320.000 en France fin 2015) et qui subissent des tarifs d’électricité particulièrement élevés. Ils ont tout intérêt à se tourner vers l’autoconsommation ou vers des applications permettant de réduire le recours au réseau… Le gouvernement allemand a entendu les inquiétudes des dirigeants des producteurs d’énergie, d’où la nouvelle loi sur les Energies Renouvelables applicable en 2017, mais celle-ci ne fera que ralentir la pression inéluctable des EnR et des nouvelles technologies sur ces sociétés de production.
   
Ainsi, l’avenir des compagnies d’électricité dans l’ensemble de l’Europe est loin d’être assurée. .
   

   
LA FILIERE 
   
Les fabricants de plaquettes et de cellules durement affectées par la baisse des prix. Les fabricants de panneaux en ont profité !
   
Alors que la baisse des prix des plaquettes et des cellules, de l’ordre de 40 % au troisième trimestre, faisait craindre le pire pour les comptes des sociétés du secteur, leur publication fait ressortir deux situations contrastées : a°) les fabricants de plaquettes et de cellules souffrent considérablement, avec une marge opérationnelle négative de 60 % chez les producteurs taïwanais de cellules Neo Solar et Gintech. Ils sont au milieu de la filière industrielle et ont subi de plein fouet l’effondrement des prix (le chiffre d’affaires de Neo Solar a baissé de 34 % entre le 2ème et le 3ème trimestre à l’autre) .
  
b°) En revanche, la bonne tenue du prix des panneaux a favorisé les grands producteurs qui ont profité de l’achat de plaquettes ou de cellules à prix cassés. Comme le prix de vente des panneaux est resté stable durant ce trimestre, les marges des grands fabricants se sont gonflées et il y a pas eu de crise parmi les fabricants de panneaux. Il y a eu seulement l’effet de la contraction du marché chinois pour les fabricants qui avaient largement misé sur lui comme Trina Solar ou JA Solar. Ces derniers ont dû en catastrophe trouver de nouveaux débouchés, ce qui a eu un effet limité sur les marges bénéficiaires qui restent correctes.
   

   
La bonne conjoncture pour les fabricants de panneaux parait terminée 
   
Néanmoins, la bonne conjoncture pour les grands fabricants parait terminée car la demande se réduit nettement depuis quelques semaines. Au cours de ces quinze derniers jours, une orientation baissière des prix s’instaure alors que les prix au milieu de la filière se tiennent. La marge bénéficiaire des fabricants de panneaux va se réduire. Le taïwanais EnergyTrend affirme même que les prix des panneaux vont « s’effondrer » sous l’effet de la surproduction et de la faible demande. Pour renforcer ce marasme, les autorités chinoises auraient l’intention de reporter de juin à septembre 2017, la date limite des installations pouvant bénéficier du tarif d’achat actuel. La demande de panneaux sera alors étalée et le rebond des prix des panneaux ne pourra pas avoir lieu. .
  
Comme un malheur n’arrive jamais seul, la faible demande mondiale en 2017 et probablement en 2018 condamne les grands fabricants de panneaux à prendre des clients aux producteurs de second rang, et donc à les pousser dans les difficultés, ou à subir eux-mêmes une réduction de leurs capacités de production ce qui n’est jamais bon pour le compte de résultat. A ceci s’ajoutent les augmentations de capacités décidées il y a neuf à douze mois. Comme si tout ceci n’était pas suffisant, le gouvernement chinois pourrait bien diminuer dans les tous prochains semestres l’objectif de construction de centrales photovoltaïques car il manque de lignes électriques de transport de l’énergie. Il a déjà commencé en 2016 à réduire sensiblement (autour de 20 GW) les installations d’éoliennes. Leur production d’électricité (jusqu’à 50 %) ne peut pas être transportée et reste inutilisée ! Les mêmes problèmes provoqueront les mêmes décisions..
  

   
La compétitivité chinoise s’érode. 
   
La filière a aussi à se préoccuper du silicium, sur deux aspects : dans l’immédiat, le gouvernement chinois va examiner s’il y a lieu de durcir les droits de douane pour les quelques fabricants étrangers subissant moins de droits de douane que les américains (le sud-coréen OCI et l’allemand Wacker Chemie). Les fabricants chinois de silicium se plaignent des importations étrangères ! Il est vrai qu’elles augmentent vite (+ 65 % entre 2013 et 2014 ; + 37 % entre 2014 et 2015). Ces importations avaient fait baisser le prix de ce matériau à 12,93 $ en janvier dernier. Il y aurait eu maintien à ce bas niveau s'il n'y avait eu la ruée sur le installations en Chine au 1er semestre qui a fait remonter les prix. Actuellement, il y a toujours une prime significative. Cette semaine, le prix chinois (19,30 $ 19,60 $ le kg) se compare au prix international (13,50 $ à 16,25 $ le kg). Malgré cet écart, les producteurs de silicium ne « s’en sortent pas » ! Ils veulent davantage de protection contre les étrangers. Ceci indique une perte de compétitivité des producteurs chinois de silicium à l’abri des droits de douane, et peut-être dans la production de panneaux où ils représentent environ les deux-tiers de la production mondiale. 
  

   
De nombreuses unités de production de silicium vont venir en exploitation  
   
A moyen terme, les producteurs de silicium ont à redouter une surproduction : par rapport à une capacité mondiale de production de 363.000 tonnes produites en 2015, les usines en construction (elles nécessitent plusieurs années pour être opérationnelles) augmenteraient la capacité de 141.000 tonnes (soit 40 % de plus), dont 70 % en Chine. Si ceci intervient dans la phase de stagnation (envisagée) de la demande et donc de la production de panneaux en 2017 et 2018, les nouvelles unités ayant une meilleure productivité exerceront une pression baissière sur les prix. Selon Bernreuter, six producteurs, ayant des coûts trop élevés devraient alors disparaitre… Pour les acheteurs de panneaux, ceci signifie une nouvelle phase de baisse des prix à condition que la concentration des fabricants de panneaux ne les amène pas à « organiser » les prix. 
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A NOTER

- Lux Research estime que les batteries de véhicules ne pourront pas être réutilisées car elles ne seront pas assez performantes ou seront inadaptées à un stockage stationnaire. De plus, la baisse du prix des piles neuves rendra la réutilisation, avec toutes les manipulations à effectuer, peu attrayante par rapport à du matériel neuf.

- Les communautés d’utilisation de centrales solaires aux Etats-Unis paraissent plus intéressantes que les installations résidentielles ou même que le recours aux compagnies d'électricité. Certes, elles ne s’adressent pas aux mêmes catégories de personnes, mais ces communautés qui exploitent une centrale de taille moyenne (entre 0,5 et 2 MW), obtiennent un coût d’installation de 2 $ à 2,50 $/watt ce qui élargit l’attrait de leurs prix entre 35 à 48 Etats (sur les 50 des Etats-Unis). De leur coté, les installations résidentielles coûtent entre 3 $ et 3,50 $ par watt ce qui limite l’attrait au quart ou à la moitié des Etats. De plus, toutes les habitations résidentielles ne se prêtent pas à une installation. Enfin, 49 millions d’américains sont trop pauvres pour se faire installer un système photovoltaïque alors qu’ils ont avantage à acquérir leur énergie d’une communauté plutôt que d’une compagnie d’électricité.

- Qui ne serait pas tenté de disposer d’un stockage à 0,04 € le kilowatt-heure ? C’est le prix estimé par le français Levisys qui a mis au point un volant à inertie magnétique, capable de restituer 97 % de l’énergie fournie et de travailler des centaines de milliers de cycles. Cet appareil serait utile pour le stockage de l’énergie des centrales électriques mais aussi pour la recharge rapide des véhicules électriques.

- L’Inde devient de plus en plus un marché pour les producteurs chinois de panneaux qui fournissent 85 % du matériel PV. Ce pays est confronté aux difficultés de paiement des livraisons d’électricité car les sociétés de distribution sont largement endettées ou insolvables ce qui limitera là-aussi les installations photovoltaïques à venir.

- JinkoSolar devient le n°1 mondial de la production de panneaux en 2016, détrônant Trina Solar qui avait trop misé sur le marché chinois et qui a subi au second semestre 2016, une nette inflexion de sa croissance. Entre le 5ème producteur qui livrera 4,9 GW en 2016 et le 6ème qui livrera 2,8 GW, il y a un écart de 2 GW indiquant que les cinq premiers creusent l’écart et qu’il y a une prime aux très gros fabricants mondiaux de panneaux.

Regard sur le Photovoltaïque

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