L R AS Published on Wednesday 23 December 2015 - n° 128 - Categories:décryptage

Regard sur le photovoltaïque du 23-12 : décembre est faste pour le PV; pourquoi les prix des lauréats du CRE3 ne sont-ils pas publiés ? Surveiller les investissements

Le mois de décembre est faste pour le photovoltaïque

 

Deux événements de première grandeur sont intervenus au cours des dernières semaines

 

Le premier événement est l’accord des différents pays lors de la conférence de Paris pour une limitation des émissions de gaz à effet de serre.

    Par exemple, pour qu’il y ait réduction de l’ordre de 25 % de ces émissions entre d’ici 2025 par rapport à 2005 aux Etats Unis, ceci implique une forte réduction de l’utilisation du charbon, mais aussi des hydrocarbures (fuel, mais aussi gaz). Dès lors, il ne reste plus qu’à utiliser massivement les énergies renouvelables, dont le solaire et l’éolien. Pourtant, les générateurs de ces sources d’énergie ne sont pas identiques dans leur constitution : le panneau solaire coûte à l’origine et peut servir pendant vingt cinq ans à trente cinq ans sans quasiment de frais de fonctionnement, alors que l’éolien nécessite des turbines, qui sont des équipements en mouvement qui s’usent.

De plus, on n’entend pas beaucoup parler de chute du coût de l’électricité d’origine éolienne (qui serait autour de 0,07 à 0,08 euro le kWh) alors que c’est un lieu commun de l’évoquer pour le solaire. On n’a pas encore fixé les limites basses de coût de production. La baisse régulière de son coût de production va l’imposer durablement, à partir de 2016.

 Le solaire envahira le monde à moyen et long terme.

 

Le second événement qui marquera 2016, est à chercher dans la décision américaine de prolonger de trois ans le crédit d’impôt fédéral de 30 %. Autant le premier motif de développement du solaire (réduction des émissions de gaz) est à moyen-long terme, autant la décision américaine est à horizon de trois ans, ou davantage si on considère la baisse régulière de l’avantage fiscal au cours des années 2020. Ces deux mesures se complètent et se renforcent même si les Etats-Unis ne représentent qu’environ 16 à 18 % des installations mondiales. L’effet de ces mesures  ne peut qu’être entrevu car leurs conséquences sont multiples et diffuses tant pour les Etats-Unis que pour le reste du monde.

 

Pour les Etats-Unis : les effets sont immédiats. La fin du crédit d’impôt fin 2016 imposait aux constructeurs de tout mettre en œuvre pour achever dans les délais. Désormais, les constructeurs pourront passer le seuil du 31 décembre 2016 sans pénalité. EnergyTrend a déjà chiffré à 2,5 GW la capacité qui ne serait pas installée sur l’année 2016, mais qui sera reportée sur 2017. La prolongation du crédit d'impôt aux Etats Unis est approuvé par le Congrès

 

   Si le constat précédent n’est pas le plus encourageant, il était prévu une forte baisse des raccordements au cours de l’année 2017 du fait de l’absence d’un crédit d’impôt réduit à 10 % et une impossibilité pour revenir au niveau de 2016, même en 2020. C’était une chute d’activité pour la profession d’installateurs, surtout ceux des grandes centrales.

http://www.greentechmedia.com/content/images/articles/gtm-solar-itc-extension.png

ttp://www.greentechmedia.com/content/images/articles/gtm-solar-itc-extension.pngLes effets de la prolongation du crédit d'impôt aux Etats-Unis sur les installations photovoltaïques

 

Le secteur des grandes centrales sera le grand gagnant de cette prolongation

    Cette prolongation non seulement leur fournit de l’activité, mais cette profession va retrouver le niveau 2016 en 2020. Surtout, on peut s’attendre à une sous-estimation des projections d’installations d’ici là. Ainsi, Green Tech Media estime que d’ici 2020 par rapport à leur niveau sans prolongation, les constructions de grandes centrales vont augmenter de 73 %, le résidentiel ne progresserait que de 35 %.

    Le regain de construction de grandes centrales profitera donc aux compagnies d’électricité qui obtiendraient davantage d’énergie à bas prix, leur permettant de lutter efficacement avec les systèmes distribués. La puissance cumulée installée d’ici 2020 atteindrait 100 GW selon GTM dont 25 GW lié à cette prolongation ce qui correspond à une hausse de 54 % sur le scénario où il n'y aurait pas eu d'extension. Mercom n’envisage qu’un supplément d’installation de 20 GW et aussi évalue les installations de la seule année 2020 à 20 GW, à comparer aux 8 GW installés  en 2015.
 

Le coût de l’électricité devrait baisser de  20 % à 0,04 $/kWh

   Non seulement les grandes centrales seront les principales gagnantes de cette prolongation mais l’accélération des constructions devrait faire baisser les coûts de production à 0,04 $/kWh, contre 0,05 $/kWh (selon Green Tech Media), ce qui assurerait, à ce niveau de prix de revient, une formidable supériorité de coût sur les autres énergies conventionnelles, mais aussi renouvelables.

 

Cette mesure va relancer l’investissement de production aux Etats-Unis

    Un autre effet, aisément prévisible de cette prolongation est l’effet sur les producteurs de panneaux : si le projet de SolarCity de construction d’une usine d’un gigawatt est en bonne voie, c’est que la production sera utilisée en interne. D’autres projets de construction avaient été mis en attente en 2015 car les débouchés de 2017 ne paraissent pas favorables. Désormais, ils le sont. Les projets d’usines vont être mis en chantier sans qu’on puisse en évaluer ni le nombre ni la capacité cumulée. Seule certitude, certains projets seront réalisés.

  Green Tech Media évalue les investissements provoqués par cette extension de durée à 40 milliards de dollars supplémentaires : les 90 Mds$ prévus seront ainsi portés à 130 Mds$ qui seront investis sur les cinq prochaines années pour parvenir à une puissance installée cumulée de 100 GW. Ils iront stimuler l’ensemble de l’économie américaine, même si le déficit du budget américain sera augmenté de 1.100 Mds$ sur la période.

 

Pour le reste du monde 

Une pause dans les prix Même si les Etats-Unis ne représentent que 16 % de la demande mondiale de panneaux, la décision de prolongation du crédit d’impôt a eu un effet immédiat sur les prix et les perspectives des producteurs. Jusqu’à fin novembre, on prévoyait une forte demande en Chine de la part des constructeurs qui veulent construire avant la modification des tarifs d’achats en juin prochain. Se rajoutaient à cette demande les constructeurs de centrales aux Etats-Unis qui voulaient achever leur installation avant la fin 2016, d’où une pression sur les prix des panneaux qui se répercutaient sur la filière et donc sur le prix des cellules et des plaquettes. Dès lors que la demande serait de 2,5 GW moindre que ce qui était prévu, une pause ou peut-être une baisse des prix peut s’instaurer.

 Le marché est soulagé par la prolongation du crédit d'impôt aux Etats-Unis

 

Une relance des investissements mondiaux de production

  Les fabricants redoutaient une surproduction annoncée pour 2017 et évitaient d’augmenter leurs capacités, essayant de trouver chez des sous-traitants, les capacités qui leur faisaient défaut. Désormais, non seulement ils pourront être plus optimistes pour 2017, mais aussi être moins surchargés de commandes pour 2016. Dès l’annonce de cette prolongation, les prix se sont détenus sur le marché.

    Est-ce que tout le monde y gagne ?

 Pas tout à fait car un certain nombre de fabricants de cellules et de panneaux qui voulaient faire face à l’afflux de demande finale, avaient passé commandes. Ils devront prendre livraison aux conditions indiquées et donc vendre au prix du marché avec une perte ou au minimum un moindre gain. Les fabricants taïwanais pourraient être à nouveau touchés financièrement alors qu’ils étaient en cours de redressement financier…

   La conséquence majeure est que les investissements vont être fortement intensifiés au cours des prochains semestres, non seulement en Asie, mais aussi aux Etats Unis et, espérons-le, en Europe.

 

Il faut envisager une forte hausse de la demande mondiale dans les prochaines années

   C’est que la demande va augmenter considérablement au cours des prochains semestres. Conférence de Paris ou non, tous les pays mettent le cap sur le photovoltaïque : la Chine pour la troisième fois de l’année 2015 augmente son objectif de puissance installée et la porte entre 200 et 250 GW en 2020. Il est vrai que cette marche forcée vers l’énergie propre est impérativement  imposée par le seuil de pollution de niveau rouge atteint à trois reprises depuis novembre alors que ce niveau n’avait jamais été atteint en 2014 ou précédemment. Il est très probable que cet objectif, rien que pour des motifs politiques et de santé publique, sera accentué au cours des prochains trimestres, mais rien ne dit que les installations énergétiques suivront.

    Rappelons les objectifs américains pour 2020 100 GW, ceux de l’Inde 100 GW en 2022, sans compter les différentes annonces des différents pays pour des dates plus ou moins éloignées indiquent toutes un recours accentué au solaire. Les fabricants de matériels vont s’adapter à cette nouvelle donne et les capacités de production vont très vite doubler.

La prolongation du crédit d'impôt va conduire à un autre boom du solaire et modifier l'attitude des compagnies d'électricité envers la facturation nette

La Chine veut porter ses installations solaires entre 200 et 250 GW en 2020

 

Le résultat de l’appel d’offres CRE3 laisse un goût curieux

   Le résultat des lauréats français de l’appel d’offres CRE3, outre le recours bien curieux à des sociétés écrans porteurs de projets qui évitent de connaitre le nom des sociétés principales, oublie de mentionner le prix moyen offert par les lauréats. Est-ce un si grand secret ? Est-ce qu’il y aurait beaucoup à redire sur les prix obtenus ? Faut-il penser que certains soumissionnaires n’ont pas été retenus même avec des prix moindres car ils ne seraient pas bien en cour ? Y a-t-il favoritisme ? L’opacité crée la question. Si le gouvernement ne joue pas le jeu avec des formules de révision de prix peu transparentes, cela ne doit pas empêcher les entreprises lauréates de jouer la transparence. Il en va de l’argent public et donc le public a le droit de savoir.

   En effet, il faut aller chercher une société inconnue VSB Energie Nouvelle qui annonce la réalisation de 4,3 MW dans le Gard au prix de vente à ERDF à 0,0717 euro/kWh, pour avoir une estimation de ce qui est possible de réaliser en France. Quelle opacité des prix et des critères de sélection des lauréats.

 L'électricité solaire à 0,0717 euro produite par VSB Energies Nouvelles

 Autre tableau des lauréats de l'appel d'offres CRE 3

 et

 Regard sur le photovoltaïque  n° 127 du 7 décembre 2015

 

 

Il faut toujours surveiller les statistiques des investissements : ils annoncent l’avenir

    A travers les statistiques allemandes qui sont révélatrices de la tendance mondiale puisqu’elles couvrent à peu près la moitié du marché mondial, il faut noter une forte accélération des facturations au troisième trimestre par rapport aux périodes précédentes : le second trimestre était en hausse de 52 % sur le premier trimestre. Sur les neuf premiers mois de 2015, la progression globale est de 56 % sur 2014. La croissance des ventes va se poursuivre avec un carnet de commandes de plus de six mois.

    On note un regain d’équipement de la part des fabricants asiatiques qui ne représentaient que 41 % des nouvelles commandes au second trimestre. Il  réalisaient 56 % des facturations au troisième trimestre (on peut regretter que les données ne soient pas homogènes), mais il y a confirmation de l’émergence de commandes venant d’autres régions du globe (les statistiques ne sont pas assez précises car il faudrait pouvoir distinguer les commandes des nouveaux pays producteurs d’Asie (Malaisie, Thaïlande, Vietnam) où des usines de sociétés chinoises ont été implantées. Néanmoins, la croissance de la demande hors d'Asie est particulièrement nette : on note une résurgence des commandes et des facturations venant des Etats-Unis et d’Europe : les commandes en provenance d'Europe ont été multipliées par six, celles venant des États-Unis ont triplé.

 Les ventes des équipementiers allemands des neuf premiers mois ont augmenté de 56 % sur 2014. Elles représentent 50 % des ventes mondiales des équipementiers.

 

Les équipementiers allemands annoncent une baisse de la compétitivité asiatique.

 Le texte a été publié le mardi 15 septembre 2015

 

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