L R AS Publié le mardi 16 mai 2023 - n° 445 - Catégories : Regard sur le PV

Regard sur l’annonce de deux nouvelles unités de production de batteries en France

M. Macron était particulièrement heureux de pouvoir annoncer l’installation dans le Nord de la France de deux unités de production de batteries. Il était même rayonnant.

Ces deux nouvelles unités s’ajoutent à toutes celles qui ont annoncé leur venue en Europe. En février 2022, on en comptait déjà 35. Leur nombre s’est accru depuis. Leur survie à long terme réside d’une part par l’accord avec un ou plusieurs constructeurs de véhicules électriques, et d’autre part par l’approvisionnement en matières premières. Or cette ruée de fabricants de batteries sur le marché européen va accroitre considérablement la demande de composants et de métaux. Deux questions se posent sont donc : y aura-t-il assez d’approvisionnement pour satisfaire les achats de ces usines ? et en second lieu, y aura-t-il un prix de ces batteries suffisamment réduit pour que les acheteurs se laissent tentés par les véhicules électriques ?

Le résumé :

Cinq usines de batteries seront opérationnelles en France en 2025 : M. Macron vient de décider deux nouvelles entreprises d’investir en France

En février 2022, on comptabilisait déjà l’annonce de 35 gigafactories de batteries en Europe : du fait de l’importance du marché européen, les asiatiques sont particulièrement présents pour construire des usines de production.

Pour exister, ces gigafactories doivent trouver des acheteurs : c’est la condition de leur décision d’investir

Les approvisionnements risquent de constituer le goulot d’étranglement des usines car toutes vont commander en même temps : l’acquisition de matières premières est l’autre problème à résoudre pour produire. Or, des pénuries sont déjà constatées sur certaines matières premières, avant même que les 35 gigafactories recensées ne soient opérationnelles.

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Le texte

Cinq usines de batteries seront opérationnelles en France en 2025

Emmanuel Macron a lancé une contre-offensive à l’allongement à la durée de cotisation pour prendre une retraite à taux plein. Il a choisi de mettre l’accent sur les investissements étrangers en France. En 2022 lors de son offensive précédente, il avait recueilli 10 milliards d’euros de promesses d’investissements. A la veille de la réunion 2023, il se fait fort d’obtenir 13 milliards d’euros d’annonces. Pour montrer qu’il s’agit de vrais investissements, et en plus dans les industries vertes, il a annoncé la création d’une unité de production de batteries au lithium à Dunkerque, du chinois XTC et du français Orano. Une unité complémentaire de la précédente, celle du taïwanais ProLogium sera située à proximité et fournira des batteries pour véhicules électriques

Ces créations d’usines qui entreront en service en 2025 viendront après trois autres mises en exploitation, dans le Nord-Pas de Calais, celle construite par ACC (Stellantis, TotalEnergies, Mercédès Benz) ouvrira prochainement à Douvrin (près de Lens).

La seconde usine, celle du groupe sino-japonais AESC-Envision doit produire des batteries pour Renault à Douai d’ici deux ans. Enfin, la troisième usine, celle du français Verkor doit entrer en production à Dunkerque à partir de mi-2025, avec également Renault pour principal client.

Manifestement, la France ne manquera pas de batteries pour véhicules électriques si toutes ces usines sont mises en exploitation !

La présence de chinois, japonais, taïwanais indique que les groupes internationaux veulent être présents en Europe où l’on met l’accent sur les véhicules électriques.

 

En février 2022, on comptabilisait déjà l’annonce de 35 gigafactories de batteries

Or chaque pays, et notamment l’Allemagne, voit aussi plusieurs fabricants de batteries annoncer de nouvelles usines ou même qui ont déjà mis en exploitation leur usine. On est davantage dans une course pour être présent, pour collecter les avantages publics, que dans une présence à long terme car la concurrence risque d’être impitoyable et il y aura beaucoup d’abandons. Or ce sont les groupes internationaux qui pourront le mieux s’en sortir car ils ont leur base arrière dans leur pays d’origine, ce qui leur permettra de résister aux pressions sur les prix qui ne manqueront pas d’émerger très vite.

En effet, en février 2022, on avait compté que l’Europe accueillerait 35 gigafactories d’ici 2035 (cf les deux cartes en fin de ce texte). Début 2022, tous les pays européens auront au moins une usine de production de batteries. L’Allemagne comptera treize unités de production !

En juillet 2021, PV Magazine indiquait qu’il y avait six gigafactories opérationnelles dans l’Union ce qui équivalait à une capacité totale de production de cellules li-ion de 62 GWh. A l’époque, on estimait que 25 usines devaient être opérationnelles avec une capacité de 591 GWh de capacité en 2025. Depuis février 2022 date de l’article, de nombreuses sociétés ont annoncé leur désir de construire de nouvelles usines. Ainsi, le chinois Svolt veut atteindre 50 GWh avant la fin 2023 et prévoit de construire cinq unités de production. Le n° 1 mondial, CATL prévoit de construire une seconde usine de 100 GWh en Hongrie…

 

Pour exister, ces gigafactories doivent trouver des acheteurs

Ce qui importe, ce n’est pas le nombre des usines mais comment ces usines s’insèrent dans l’économie, c'est-à-dire qui sont les clients (les ventes aux constructeurs automobiles) et comment ces usines s’approvisionnent.

Les clients : il n’y a pas trop de problèmes lorsqu’il y a des accords de vente à Renault, Peugeot, BMW ou Mercédès Benz… Encore faut-il que la demande de véhicules électriques soit suffisamment soutenue pour absorber cette production de batteries. En effet, il faudrait augmenter considérablement le kilométrage réalisé avec une charge de batterie (ce kilométrage et le prix du véhicule sont les deux principaux freins à l’achat pour un particulier).

 

Les approvisionnements risquent de constituer le goulot d’étranglement des usines car toutes vont commander en même temps

L’approvisionnement en composants et surtout en matières premières, en revanche, constitue au minimum une préoccupation constante pour les usines. Le manque de semi-conducteurs et de matières premières ont fait grimper le prix des batteries en 2022. Les premiers déficits notables sont apparus pour le nickel en 2021. Des déficits allant jusqu'à 50 % pour le cobalt, le cuivre, le lithium et le graphite sont prévus pour 2023 et 2024. Par conséquent, l'enquête sur les prix des batteries fin 2022 publiée par BloombergNEF prévoit une augmentation du prix des cellules lithium-ion cette année, après des décennies de baisse des prix. Pour s’approvisionner, les usines recourent au recyclage, mais il est encore de faible ampleur pour les batteries, et aux commandes auprès des compagnies minières. Celles-ci ouvrent de nouvelles mines, mais il faut de longues années avant que les mines puissent produire à peine cadence.

Ainsi fin 2022, on a constaté une remontée du prix des batteries au rebours de la tendance précédente qui réduisait chaque année le prix des batteries. L’origine de cette remontée provient de l'augmentation des coûts des matériaux, notamment du cobalt, du nickel et du lithium. Bien que le prix du nickel et du cobalt ait baissé au cours de ces tout derniers mois, et que le lithium soit peut-être sur le point de fléchir, chacun d'entre eux est encore plus élevé qu'il ne l'était les années précédentes.

Le prix moyen des batteries aurait été encore plus élevé sans le passage aux batteries à la technologie lithium-phosphate de fer (LFP), moins coûteuses, qui ne contiennent ni nickel, et ni cobalt.

Le recul des cours des matières premières en début 2023 pourrait redonner de l’intérêt pour les véhicules électriques à condition que toutes les usines ne passent pas commandes. Or ne pas commander, c’est courir le risque d’une flambée des prix lorsqu’il y aura besoin de s’approvisionner, et donc d’empêcher l’usine de parvenir à un coût de production raisonnable et donc d’être compétitif.

Or BloombergNEF est clair (en décembre 2022) : « Les prix des batteries doivent encore baisser pour qu'une plus grande partie du marché moyen passe à l'électrique au cours de la présente décennie. Cet objectif est certainement encore réalisable, mais il nécessitera des investissements beaucoup plus importants dans tous les domaines de la chaîne d'approvisionnement des batteries, ainsi qu'en R&D et en amélioration des processus de fabrication. »

 

Ainsi, deux forces poussent à l’arrêt des ventes de véhicules à essence, les écologistes d’une part qui pilotent les différentes décisions de la Commission européenne pour interdire la vente des véhicules thermiques dans l’avenir (on a parlé d’abord de 2025, puis de 2030, désormais de 2035). D’autre part, il y a la volonté des fabricants d’être présents à l’émergence d’un immense besoin. Seulement, ces deux forces se heurtent à la rareté des matières premières (pour le moment), à la difficulté de mettre au point d’autres technologies de batteries permettant une autonomie de trajet plus grande, et à la nécessité d’améliorer les véhicules électriques.

Si on devait faire un pronostic, sur les cinq projets de construction de gigafactories actuellement annoncés en France, au moins deux et peut-être trois n’existeront plus d’ici cinq à sept ans tant la lutte sera impitoyable, et tant les européens partent avec un handicap, celui de leur marché intérieur : malgré leur volonté, ils seront cantonnés à l’Europe alors que les asiatiques bénéficieront du marché européen et de leur marché national. A cause de cette différence, les candidats européens partent avec un handicap considérable. Ce n’est pas réjouissant, mais c’est une réalité. Or, M. Macron ne le dit pas.

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ci-dessous les unités de production de cellules

ci-dessous les unités de production de batteries   

      

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