L R AS Publié le dimanche 18 septembre 2022 - n° 416 - Catégories : Europe

Les mesures de la Commission selon Rystad Energy

Avertissement : nous présentons les articles publiés par divers organes de presse car d’une part aucun ne nous a paru exhaustif, et d’autre part la compréhension du mécanisme « inframarginal » nous a paru peu clair. Ces articles ont évité de rentrer trop dans les détails de présentation car leurs auteurs ont eux aussi paru avoir peu compris le mécanisme.

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Afin de passer l’hiver sans coupures ou sans trop de coupure d’électricité, la Commission européenne a proposé un plan le 14 septembre, visant à récupérer 142 milliards d'euros

de bénéfices exceptionnels réalisés par les compagnies d'électricité et de combustibles fossiles. Elle prévoit de les redistribuer aux consommateurs qui ont vu leurs coûts d'électricité augmenter ces derniers mois. Dans le même temps, l'Union européenne doit réduire de 5 % sa consommation d'électricité aux heures de pointe. L'objectif global est de réduire de 10 % la demande totale d'électricité jusqu'au 31 mars 2023.

1ère mesure : réductions exceptionnelles de la demande d'électricité

Jusqu’à présent, la demande globale d'électricité en Europe n'a diminué que de 2 % en 2022. Au mois d'août, mois où les prix sont les plus élevés, la demande n'a baissé que de 1 % par rapport à l'année précédente. Dès lors, l'ampleur de la réduction proposée de 5 à 10 % sera considérable, mais cela pourrait alléger la pression sur les prix de l’énergie.

Une réduction obligatoire de 5 % de la consommation d'électricité pendant les heures de pointe est proposée. Les États membres seraient ainsi tenus d'identifier les 10 % d'heures où le prix attendu est le plus élevé et de prendre les mesures appropriées pour réduire la demande pendant ces heures. L'objectif global est une réduction de 10 % de la demande totale d'électricité jusqu'au 31 mars 2023.

2ème mesure : plafonnement temporaire des revenus des producteurs d'électricité

Les technologies de production d'électricité dont les coûts de production sont inférieurs à ceux du gaz naturel - y compris les énergies renouvelables, le nucléaire et le lignite - verraient leurs revenus plafonnés. Certaines entreprises produisant de l'électricité à partir de ces sources ont eu la possibilité de générer des revenus exceptionnels ces derniers mois, car leurs coûts de production sont restés relativement stables alors que les prix de gros de l'électricité ont bondi. La Commission veut fixer ce plafond à 180 € par mégawattheure (MWh) ou 0,18 € lekWh. L'excédent devient un "revenu public", qui sera redistribué aux consommateurs d'électricité. Cette mesure pourrait dégager 117 milliards

Ces deux mesures paraissent judicieuses, car elles visent à équilibrer les forces du marché tout en prenant soin des consommateurs. Surtout, la Commission affirme que ces mesures sont temporaires et sont destinées à passer l’hiver. Seulement ces mesures ne s'attaquent pas aux problèmes d'approvisionnement à plus long terme.

3°) Contribution temporaire de solidarité sur les excédents de bénéfices générés par les activités des secteurs du pétrole, du gaz, du charbon et du raffinage. Ces secteurs ne sont pas couverts par le plafonnement des prix inframarginaux. Lorsque les bénéfices 2022 sont supérieurs de plus de 20 % à la moyenne des bénéfices des trois dernières années, une imposition supplémentaire de 33 % serait prélevé. Cette mesure devrait rapporter 25 milliards d’euros.

Autre mesure : en outre, la commission compte mettre en place des instruments de liquidité d'urgence pour s'assurer que les participants au marché disposent de garanties suffisantes pour répondre aux appels de marge, et pour éviter une volatilité inutile sur le marché à terme.

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L’appréciation de Rystad Energy

Selon l’analyste de Rystad Energy, « le calcul de ces recettes estimées à 117 milliards d’euros n'est pas clair, car il tient compte de compte de l'évolution des prix des sources fossiles et du carbone, la contribution des sources inframarginales dans le mix électrique au cours de l'hiver, l'exposition au marché au comptant des différentes technologies et des différents pays, ainsi que la dynamique évolutive de la situation globale de l'offre et de la demande. »

« Cette mesure a été critiquée car elle inclut les recettes provenant des énergies renouvelables et nucléaires. Or ces prélèvements auraient pu être réinvesties dans davantage d'énergies renouvelables qui sont indispensables. À l'heure où l'Europe a désespérément besoin de plus d'énergie renouvelable, il semble étrange que l'UE "punisse" les technologies peu polluantes et bon marché. La proposition aborde cette question en fixant le plafond à un niveau relativement élevé, bien supérieur à celui où se situaient les prix avant la crise énergétique de 2021-2022. Les revenus des énergies renouvelables et nucléaires à faible coût seraient donc nettement plus élevés qu'avant le début de la crise énergétique, même avec le plafond proposé. »

Une autre intervention potentielle sur le marché qui avait été discutée ces dernières semaines consiste à plafonner directement les prix de l'électricité et/ou du gaz. Cette mesure perturberait fondamentalement l'équilibre entre l'offre et la demande et ne résoudrait pas l'insuffisance fondamentale de l'offre de gaz sur le marché. En fait, un plafonnement direct des prix pourrait aggraver la situation, car il n'inciterait pas à économiser le gaz ou l'électricité et ne contribuerait donc pas à réduire la demande d'électricité. Dans cette optique, le plafonnement des prix inframarginaux proposé permettrait de mieux atteindre l'objectif de l'UE, car il ne modifie pas l'équilibre fondamental entre l'offre et la demande et, dans le même temps, il permet de soulager les consommateurs finaux des prix élevés.

Ces prélèvements sur les producteurs freineront les investissements dans les énergies renouvelables, et donc l’adaptation à la suppression du gaz russe

Est-ce que le plafonnement des prix inframarginaux est meilleur ou pire que l'absence totale d'intervention. Il créerait encore des distorsions sur le marché en limitant la rentabilité des producteurs d'électricité à faible coût. La Commission estime qu'il est actuellement plus important de veiller à ce que les consommateurs puissent payer leurs factures pendant l'hiver que de permettre aux producteurs d'électricité de réaliser des "superprofits".

Si ces 142 milliards d’euros étaient investis dans des installations de production d’énergie renouvelables, ils permettraient de créer une capacité supplémentaire totale estimée à 121 gigawatts, soit la consommation annuelle de la Pologne qui brûle du charbon, ou soit quasiment la capacité solaire actuelle de l'ensemble de l'UE qui est de 160 GW.

Surtout ce programme crée un nouveau précédent en matière d'intervention, il pourrait s'avérer n'être que le début des dépenses et des interventions de l'UE et des gouvernements européens dans les années à venir.

https://www.rystadenergy.com/news/eu-takes-unprecedented-step-with-5-10-cut-in-power-demand-and-redistributing-eu14

Rystad Energy du 15 septembre 2022

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