L R AS Publié le mercredi 22 juin 2022 - n° 409 - Catégories : Regard sur le PV

Regard sur la dangerosité du lithium

Le lithium s’est imposé comme un ingrédient des batteries de véhicules électriques pour leur procurer de l’endurance, de la vitesse et donc de la practicité. Seulement, on vient de ressortir la dangerosité du lithium pour la vie humaine. La Commission Européenne est saisie du problème. Elle doit trancher. Comment se présente la situation ?

 

Résumé

Reconnaitre ou non la dangerosité du lithium ? Le Comité des risques de l’Agence européenne des produits chimiques attire l’attention sur la dangerosité du lithium

Qu’est-ce que le lithium ? Il est surtout connu par ses sels et par sa dangerosité

Un problème stratégique ? Un dilemme moral ? Un choix de société ? La situation de la Commission est délicate : ou bien on refuse le danger du lithium et l’Europe reste dans la compétition mondiale, ou bien on le reconnait et certaines régions refuseront cette activité. L’essor des véhicules électriques est compromis !

Le lithium est fondamental pour produire des batteries. Seulement deux composés sont indispensables pour la fabrication de batteries pour les véhicules électriques

Un problème stratégique ? Un dilemme moral ? Un choix de société ? Un choix doit être fait. Il privilégiera l’économie ou la santé !

Alors ? Gouverner, c’est choisir !

 

Le texte

Reconnaitre ou non la dangerosité du lithium ?

La Commission Européenne a reçu le 23 et 24 mars dernier les conclusions du Comité d’Evaluation des Risques de l’Agence Européenne des produits chimiques (ECHA).

Cette agence a publié un avis selon lequel il était d’accord avec les propositions françaises de classer en catégorie 1A, trois sels de lithium comme toxiques pour la reproduction. Il a déterminé que le carbonate de lithium, l'hydroxyde de lithium et le chlorure de lithium devaient être classés, (en vertu du règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage), comme des substances pouvant porter atteinte à la fertilité et aux enfants à naître. Il a également affirmé que ces substances peuvent nuire aux enfants nourris au sein.

La Commission européenne devrait se prononcer puis publier son premier projet d'acte entre octobre et décembre. Les États membres de l'UE peuvent encore s'opposer à ces propositions jusqu'à l'été.

 

Qu’est-ce que le lithium ?

Le lithium est utilisé pour produire des piles et batteries rechargeables ou à haute tension (65 %). Il est employé par l'industrie du verre et des céramiques (18 %), des lubrifiants spéciaux, par la métallurgie et l'industrie du caoutchouc et des thermoplastiques, la chimie fine, la production d'alliages, pour le traitement de l'air vicié par le CO2.

Le lithium n’existe pas àl’état natif mais sous forme de trois sels : le carbonate de lithium qui est un composé industriel important, en métallurgie, en verrerie et céramiques, en électrochimie. L'hydroxyde de lithium fournit des savons gras pour fabriquer des lubrifiants et anti-adhésifs de fonderie. Il est utilisé dans les réacteurs à eau. Le chlorure de lithium est utilisé principalement pour produire du lithium métallique. Il est utilisé comme fondant de soudure pour l'aluminium dans les pièces d'automobile, comme desséchant pour l'air.

Selon Wikipédia, les sels de de lithium affectent le système nerveux central. Dans les années 1940, le chlorure de lithium fut produit comme substitution au sel de cuisine mais il fut interdit après que l'on s'aperçut de sa toxicité.

 

Le lithium est fondamental pour produire des batteries

Le lithium est utilisé dans de nombreuses industries mais il a une importance particulière pour les véhicules électriques. Le carbonate et l'hydroxyde de lithium sont tous deux essentiels à la chaîne d'approvisionnement en matières premières des batteries : la majeure partie des nouvelles batteries des VE contiennent du lithium. Or, l’Europe veut mettre l’accent sur la constitution d’une industrie des batteries afin de développer la production des véhicules électriques et ainsi de décarboner l’univers européen.

En cas d’affirmation officielle de sa dangerosité, que deviendraient les différents projets de construction d’usines ? Le classement du lithium comme produit dangereux aurait aussi des impacts significatifs sur le permis de recherche et sur l’exploitation de mines de lithium. Il est probable que des décisions d’investissement seraient supprimées, retardées ou amendées car les régions concernées par cette décision refuseraient l’ouverture de telles mines.

La décision sur cette dangerosité aurait un impact sur au moins quatre étapes de la chaîne d'approvisionnement des batteries au lithium de l'UE : l'extraction du lithium, le traitement, la production de cathodes, et le recyclage. Plusieurs problèmes administratifs, la gestion des risques et les restrictions pourraient frapper chacune de ces industries naissantes en Europe, ce qui ferait grimper les coûts.

Autre aspect, l’Europe exerce une influence réglementaire mondiale : sa décision sera copiée par différents pays.

 

Un problème stratégique ? Un dilemme moral ? Un choix de société ?

La Commission a le choix entre fermer les yeux et ne pas reconnaitre la dangerosité du lithium. Les Etats membres pourraient alors développer une industrie de la batterie et donc construire les véhicules électriques afin d’améliorer la qualité de l’air et réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’Europe reste alors dans la course mondiale pour le développement des véhicules électriques. Elle pourra alors satisfaire une partie de sa population qui souhaite adopter un mode de vie écologique

La Commission peut aussi reconnaitre la dangerosité du lithium. Nombre de régions refuseront de voir ouvrir des mines sur leur territoire. Ceci entraverait le développement des véhicules électriques, alors que la Commission européenne a décidé d’interdire la vente de véhicules thermiques dès 2035. Cette décision devra être rapportée, immédiatement après avoir été adoptée.

Plus grave, la Grande Bretagne se prononcera sur cette dangerosité d’ici le 30 juin 2022. En cas de refus de reconnaitre cette dangerosité, les activités et les investisseurs pourraient y trouver un pays d’accueil au détriment de l’Union européenne.

 

Alors ?

Gouverner, c’est choisir ! Le choix entre la santé de la population et les impératifs écologiques se présente de façon aigue à l’occasion de cette décision. Pour le moment, il n’y a pas vraiment d’alternative technologique (à notre connaissance) pour remplacer le lithium. D’un côté, les intérêts industriels, stratégiques et écologiques sont si conséquents qu’une reconnaissance de cette dangerosité seraient catastrophiques. De l’autre, peut-on négliger de privilégier la santé de la population ?

Le débat ne sera pas seulement comme indiqué ci-dessus, mais en fonction de la pression des groupes d’opinion en coulisse auprès des membres de la Commission. On n’en connaitra que la conclusion : la décision d’une reconnaissance de la dangerosité, ou au contraire un report de la décision ou même un grand silence car le problème aura été enterré ! La solution adoptée indiquera mieux que tout quelle est l’optique de la Commission, et où elle nous mène !

 

Pour aller plus loin :

https://www.rystadenergy.com/newsevents/news/press-releases/european-commission-considers-classifying-lithium-as-toxic-potentially-eroding-its-energy-security-and-climate-goals/

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