L R AS Publié le lundi 20 septembre 2021 - n° 374 - Catégories : Regard sur le PV

Regard sur la guerre sino-américaine : la riposte chinoise

En ce moment, tout fait croire et espérer en une normalisation du marché du photovoltaïque, après les tensions sur le silicium, après les incertitudes sur les approvisionnements en panneaux, après les secousses sur le prix du fret maritime. Chacun espère un retour à la normale, et à la possibilité d’installer des panneaux en quantité suffisante pour fournir la demande. Seulement les chinois n’ont pas oublié les écriteaux aux entrées des parcs publics : « interdit aux chiens et aux chinois ». Leur volonté de vengeance et leur nationalisme sont ardents et constituent le ciment autour du Parti Communiste. Ils ont été profondément irrités par la volonté des américains de s’occuper de leurs affaires au Xinjiang. Ils ont préparé leur riposte, celui d’être incontournable pour obtenir des panneaux solaires et de les faire payer chers. Très chers ! Le monde va payer.

Le résumé

Le monde croyait en une normalisation des prix et des approvisionnements photovoltaïques fin 2021 et en 2022

En cette mi-septembre, ceci parait être devenu le passé, car les américains ont mis en avant les droits de l’Homme face aux chinois.

La réaction chinoise : une mesure dévastatrice qui réduira encore le silicium disponible ! le gouvernement a réagi en réduisant le silicium disponible au cours des quatre derniers mois de 2021

Y aura-t-il suffisamment de silicium pour que les prix ne montent pas ? Certains l’affirment. Le plus probable est qu’il y aura de nouvelles perturbations dans l’approvisionnement du monde

Les cris et les récriminations ne serviront à rien : les prix vont encore augmenter : Le monde s’est mis sous la coupe des chinois qui sauront faire payer les Droits de l’Homme et les critiques à leur égard. Ce sera violent.

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Le texte

Le monde croyait en une normalisation des prix et des approvisionnements photovoltaïques fin 2021 - 2022

Il y a encore quelques jours, tout paraissait en place pour une résurgence du photovoltaïque : les pénuries de silicium paraissaient une étape franchie avec la perspective dans les prochaines semaines d’une mise en service de nouvelles unités de production. Leur importance faisait envisager une telle abondance que les prix des panneaux auraient baissé, et les auraient ramené au niveau de ceux d’il y a un an. En même temps, les différentes étapes de la production de panneaux retrouvaient des marges bénéficiaires « normales. »

Après une période de troubles liées à une prétendue pénurie de silicium en 2020-2021, et après l’annonce de restriction de production qui n’avait pas empêché l’augmentation de 36 % des exportations chinoises de panneaux au cours des cinq premiers mois, on pouvait espérer un retour à la normale, c'est-à-dire à un approvisionnement correct et abondant.

Chaque gouvernement élaborait des projets pour augmenter la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de son pays. La Commission Européenne proposait 40 % en 2030. Les services concernés des Etats-Unis concoctaient un plan où le solaire plus l’éolien assureraient 70 % de la consommation du pays en 2035. Ils analysaient aussi comment adapter les fournitures d’énergies provenant d’installations résidentielles, (donc de sites très différents) à un réseau qui n’est actuellement pas conçu pour cela

En cette mi-septembre, ceci parait le passé.

Le changement a commencé en 2020, lorsqu’un certain nombre de personnalités américaines se sont préoccupés du sort des Ouïgours dans la région chinoise du Xinjiang. Ils dénonçaient leur assujettissement au travail forcé. Bien évidemment, le gouvernement chinois n’a pas apprécié. Ensuite, pour bien montrer que les Etats-Unis se préoccupent des Droits de l’Homme dans le monde, ils ont interdit d’importation sur leur sol de silicium et ses dérivés (les cellules et les panneaux) qui provenaient du n° 1 mondial de la production de silicium métallurgique. Pour manifester leur conviction, les américains ont bloqué certaines cargaisons de produits photovoltaïques soupçonnés d’avoir été produits par le travail forcé. Comme pour faire bon poids, certains fabricants américains ont demandé au gouvernement fédéral d’étendre à d’autres pays asiatiques la protection instaurée par D. Trump, l’article 201. Ils souhaitent protéger le marché intérieur des importations faites à trop bas prix. Enfin les sénateurs ont voté une interdiction d’importation de tous les produits provenant du Xinjiang, donc de fruits, de légumes, de textiles, et aussi de cellules ou de panneaux mais sans lien avec le silicium critiqué. Il reste aux députés de la Chambre des Représentants à voter en faveur d’une telle interdiction…

La réaction chinoise ne s’est pas faite attendre. Elle s’est traduite par l’annonce d’une pénurie de silicium au premier semestre (malgré une hausse de la production de panneaux !!!). Ceci a été le prétexte à un triplement ou un quadruplement du prix de ce matériau de base sur le marché. Il est vrai que lorsque cinq ou six producteurs assurent l’essentiel de la production chinoise et que les importations subissent des taxes dissuasives d’entrée en Chine, ces producteurs peuvent facilement organiser les prix. On a alors entendu une surenchère d’affirmations confirmant la pénurie, les difficultés d’approvisionnement, la rareté de la production de panneaux. Comme il n’y a eu qu’un seul son de cloche, bien des journalistes ont repris cette fable.

Seulement, en supposant qu’une partie de la pénurie soit vraie, la hausse des prix a montré que le reste du monde était dépendant des produits chinois. Les acheteurs étaient bien obligés de passer par les décisions des vendeurs. Alors, on ne sait pas trop quelle est la part de la pénurie réelle et quelle est celle de la volonté politique de faire payer aux américains et aux européens leur soutien aux Ouïgours. Le quasi-monopole chinois acquis patiemment et de façon silencieuse dans le photovoltaïque, oblige le monde à acheter en Chine car il n’y a plus d’alternative !

La réaction chinoise : une mesure dévastatrice qui réduira encore le silicium disponible !

Ayant réalisé leur coup de semonce avec la hausse des prix du silicium (multiplication par trois ou quatre selon les sources) et des panneaux (+ 25 % selon là aussi des sources différentes), les autorités chinoises viennent de prendre une mesure, comme toujours anodine, mais qui aura un effet dévastateur sur l’approvisionnement en panneaux au cours du quatrième trimestre 2021.

Les américains ont quasiment proscrit le silicium du Xinjiang, soit 40 % de la production mondiale. Les Chinois ont répondu en évoquant la sécheresse qui a sévi dans la province du Yunnan cet été. Ils ont demandé à ce qu’on protège les ressources en eau de cette province. Ils ont imposé que la production moyenne des fabricants de silicium métallique de septembre à décembre ne dépasse pas 10 % la production d’août. Ceci signifie une réduction de 90 % de la production de silicium métallique. Or le Yunnan n’a pas été choisi au hasard : cette province assure 20 % de la production mondiale de silicium. Ainsi les américains gèlent 40 % de la production mondiale (celle du Xinjiang), et la Chine 20 % supplémentaire (celle du Yunnan). Les écologistes sont pris à leur piège : il faut sauvegarder l’eau de la planète. Il ne reste plus que 40 % du silicium à se répartir !

Y aura-t-il suffisamment de silicium pour que les prix ne montent pas ?

Certains commentateurs affirment qu’il en restera assez pour alimenter les besoins des américains. Seulement, une réorientation des flux commerciaux ne se fait pas spontanément. Les fabricants chinois auront beau jeu d’affirmer qu’il y a une pénurie de silicium et que le prix des panneaux doit monter. Certes, le quatrième trimestre n’est pas la période la plus active de l’année de la demande mondiale, mais personne ne pourra aller voir s’il y a assez de silicium ou s’il en manque. Tout le monde sera satisfait s’il obtient des panneaux à un prix très élevé. Le monopole chinois fait qu’il n’y a pas d’alternative ailleurs. Les quelques producteurs de panneaux en Europe dépendent de l’approvisionnement en silicium et en plaquettes chinois, quand ce n’est pas de cellules. Ainsi, si la Chine le souhaite, il n’y aura plus de panneaux à vendre dans le monde. On n’en arrivera certainement pas à ce point de blocage, car les chinois aiment faire des affaires juteuses. Or, après les gains pharamineux des fabricants de silicium, ce sera au tour des assembleurs de panneaux d’augmenter leur taux de marge.

Les cris et les récriminations ne serviront à rien : les prix vont encore augmenter

Il faudra entendre les cris des écologistes qui préconisent les énergies renouvelables et qui ne peuvent pas en installer. Il faudra saisir l’absence de réaction et les attitudes gênées des syndicats professionnels qui orientent les décisions politiques au profit des installateurs, préférant durant de longues années des importations plutôt que des productions européennes. Il faudra mesurer la perte de compétitivité des économies en ayant encore besoin des hydrocarbures alors que d’autres utilisent des énergies renouvelables largement moins chères. Il faudra aussi calculer les milliards de dollars transférés des économies occidentales au profit des chinois.

Si le gouvernement chinois joue bien, et il sait le faire, cette crise du silicium sera la manifestation de sa puissance sur les américains et européens. Ces derniers n’ont pas voulu voir le piège dans lequel ils sont entrés, celui d’une dépendance totale en matière de photovoltaïque envers la Chine. Si on n’a pas su lire la stratégie chinoise au fur et à mesure qu’elle se mettait en place, pourquoi aurait-on une meilleure vision de nos intérêts et de la politique à suivre dans le proche avenir ? C’est trop bête. Cet aveuglement nous a mené à dépendre des chinois. A quand un réveil et une stratégie européenne pertinente qui défende nos intérêts ?

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